Joe Satriani Interview Exclusive !
Interview & images par : Muriel Pénoty
De nos jours les musiciens ont rarement le temps d’accorder des Interviews quand ils sont en tournée. De plus soyons honnêtes, Unstoppable Momentum le dernier album de Joe Satriani est sorti il y a plus d’un an et la tournée tire plutôt à sa fin.
Donc inutile de promouvoir l’album, mais comme il faut bien satisfaire les journalistes, les Managers ont maintenant beaucoup recourt aux conférences de presse.
Pour nous journalistes, c’est l’horreur, sur la petite vingtaine de questions que j’ai préparée, peut être pourrais-je en poser 2 ; avec un peu de chance un autre journaliste posera l’une des questions que je n’aurai pu posé, mais sinon beaucoup resteront sans réponse… Alors que ça pourrait être un moment où justement quelqu’un pose une question intelligente à laquelle on avait pas pensé, c’est la plupart du temps tout le contraire qui se passe.
Avec tous les Blogs et nouveaux sites qui existent, tout le monde devient journaliste (comme l’on devient photographe en laissant son appareil sur A pour automatique) et on se pointe à une conférence de presse avec des questions d’écervelée. Je dis d’écervelées parce qu’elles sont irréfléchies et que c’est tellement évident que le journaliste qui pose LA question n’a pas bossé sur son sujet que ça met tous les autres mal à l’aise et donne une mauvaise réputation à notre profession.
Pas étonnant que de plus en plus d’artistes n’accordent plus que des conférences de presse, s’ils font ne serait-ce que 5 Interviews de 15 minutes avec ce genre de questions, ils doivent en avoir marre. Pas étonnant non plus que d’autres partent au milieu des conférences de presse.
Je tire mon chapeau (bon je sais c’est lui qui en portait un, pas moi) à Mr. Satriani pour sa patience avec les questions inadmissibles de certaines personnes (je refuse de les qualifier de journalistes). Quand on vous demande de bien vouloir raconter ce qui a inspiré une chanson du dernier album, on peut comprendre, mais lui demander de raconter comment il a été inspiré pour écrire ‘’Always With Me, Always With You’’ qui a été écrite pour un album paru il y a plus de 25 ans… De qui se moque-t-on ? De même que de demander pourquoi il chante sur son 3ème album paru en 1989, ou enfin celle qu’on a du lire sur toutes les Interviews ‘’Pour toi quel est le meilleur guitariste ?’’… On sait tous que Satriani ne va pas nommer une personne en particulier. Il a particulièrement été influencé par Jimi Hendrix mais a toujours été très élogieux quand il parle des autres grands guitaristes qu’il a écouté comme Jimmy Page, Jeff Beck ou Eric Clapton ou des contemporains qu’il côtoie sans ne jamais en mettre aucun sur un piédestal. Il est beaucoup trop respectueux des gens et de ce qu’ils font pour ça !!!
Ces personnes ont-elles un problème pour faire leurs recherches ? Leur Internet ne doit pas fonctionner correctement. Quoiqu’il en soit quand on a seulement 15 minutes de conférence de presse, qu’on est douze personnes avec une seule question chacune et que l’on entend ce genre d’ineptie, c’est moi qui avais envie de me lever et de partir. Quel gâchis !
En tout cas je dois reconnaître que le Satch est resté Cool et a répondu à TOUTES les questions… Mais vous ne les lirez pas toutes ci-dessous car ce serait insulter votre intelligence et la mienne que de vous relater ce genre d’informations.
En revanche bien que le temps était compté, Joe a largement répondu sur des sujets qui nous intéressaient :
Question : Après 28 ans de carrière comment trouvez-vous encore l’inspiration pour écrire ?
JS : La vie de tous les jours est une source inépuisable d’inspiration. Les choses merveilleuses qui se passent entre les gens, les choses horribles aussi qui nous entourent. Tout est une source constante d’inspiration, c’est un puits sans fin pour la réflexion et l’inspiration. Il faut juste prendre le temps de regarder le monde autour de soi.
Q : Pourquoi cette inspiration vous pousse à écrire toujours des morceaux instrumentaux (mise à part pour le 3ème album) ?
JS : Ma carrière en tant que telle a été très accidentelle. J’ai commencé à jouer quand j’avais 14 ans j’étais dans un groupe de Rock ’n’ Roll jusqu’à mes 30 ans environ. Je n’ai pas été poussé à jouer seulement des morceaux instrumentaux jusqu’à ce moment là. On m’a demandé de faire des enregistrements en tant que musicien et les gens ont aimé, et j’ai continué. C’est vraiment un hasard, je n’ai aucune autre excuse. J’étais assez surpris quand j’ai réalisé que les gens voulaient venir regarder ce que je faisais.
Q : Pendant votre carrière, vous avez parfois rejoints des groupes tels que Mick Jagger ou Deep Purple, pensez-vous recommencer avec d’autres artistes ?
JS : J’aimerai bien. Ces dernières années j’ai joué avec Mark Anthony et Sammy Hagar, nous avons un groupe Chickenfoot. Pour le moment c’est la seule collaboration sur laquelle je me suis concentré avec d’autres artistes depuis 2008. Je reçois des offres intéressantes, mais c’est difficile parfois de les prendre au sérieux. Alors je mets plus de responsabilité dans ma carrière solo et dans mes fans. Je ne veux pas juste jouer avec des gens parce qu’ils le demandent, je veux que ce soit un projet qui m’intéresse, quelque chose en quoi je crois.
Q : Y-a-t-il un rêve que vous aimeriez réaliser dans le domaine de la musique ?
JS : Avant je pensais que si quelqu’un pouvait écrire une mélodie qui arrêterait le monde ça serait trop Cool. Je sais que ça n’arrivera jamais, mais quand tu regardes les News sur le Net, je ne peux m’empêcher d’y penser. Si je pouvais juste écrire une mélodie pour que les gens arrêtent de se tuer, même juste quelques minutes, ce serait super. Mais je n’y suis pas encore arrivé (rires) !
Q : Unstoppable Momentum est considéré comme en morceau moderne, pourquoi ?
JS : Je pense que c’est un morceau que j’ai composé un peu comme ‘’Always’… Si on étudie les contre-points de la musique du 18è siècle (NDLR : Bach est très connu pour ses contre points) on pourrait éviter des paquets de notes, et ainsi éviter la confusion de montrer à l’auditeur un 3ème et 4ème en même temps. En un mot la rencontre d’une tension et d’une résolution.
La musique moderne a changé tout ça et vers le 19è siècle tu pouvais jouer toutes les notes que tu voulais. Tous les coups étaient permis. Les gens écrivaient artificiellement, c’était une nouvelle inspiration, ils ont fait monter le ton, le rythme, et on a appris la mécanique et la théorique. Et 50 ans plus tard, la musique ‘’concrète’’ est arrivée. Dans un sens j’ai été inspiré pour écrire quelque chose, le son d’une corde sort et je ne peux m’empêcher en tant que musicien de regarder à cette corde et de penser : ‘’hmm » c’est très intéressant ces cordes sont suspendues et elles évoluent dans un mouvement parallèle ce qui défie les règles de la composition psychotique. Normalement ce ne serait pas permis, mais moi ça me plait et si vous pouvez appelez ça moderne ». Puis j’ajoute la mélodie dessus et là on pourrait penser que ça va tout écraser mais il y a une forme de délicatesse à explorer pour que ça marche. Et la première chose à apprendre est de mettre à la poubelle toutes les vieilles règles de composition et commencer de ce point en particulier.
En fait si on joue ce morceau au piano il sonne très mélo, mais l’attitude de la guitare et de la batterie le met vraiment en forme. Le fait que ce soit un morceau en 5/4 ajoute à la confusion. Je n’avais pas vraiment remarqué jusqu’à ce qu’il soit fini.
Q : Comment vos racines italiennes ont elles influencé votre musique ?
JS : Je pense qu’elles ne l’ont jamais influencé ! Ma grand-mère aimait beaucoup écouter l’opéra et c’est tout ce dont j’ai horreur (rires) ! J’ai grandi dans une famille italienne, il y avait déjà beaucoup de cris à la maison et je recherchais quelque chose de plus calme. Aussi dans les années 50 à New York les italiens faisaient plutôt profile bas, même mes parents qui sont nés à New York préféraient s’intégrer. D’ailleurs ils étaient des fanatiques de Jazz. 99% du temps j’écoutais du Miles Davis, John Coltrane et de temps en temps un peu d’opéra italien !
Q : La semaine prochaine vous partagez l’affiche avec Marcus Miller, et le mois prochain vous faites le G4 (NDLR : clinique de 4 jours qui aura lieu du 11 au 15 Août 2014 à Cambria, Californie avec Paul Gilbert, Andy Timmons et Mike Keneally) parlez nous de ces 2 projets.
JS : Je suis très enthousiaste de jouer avec Marcus et de retrouver Manu à la batterie. Je pense que ça va être une soirée très amusante. Vous savez quand on est en tournée je recherche toujours à améliorer la forme de mon concert. Parfois nous avons des Shows de 2 heures, d’1 heure 30 ou de’1 heure et nous travaillons toujours autour d’un petit groupe de chansons environ 25. Cette tournée a débuté il y a plus d’un an alors avoir un concert Fun au milieu c’est vraiment agréable. De plus, je ne vais pas être la ‘’Star’’ du Show, je peux juste faire partie d’un groupe et contribuer ce qui rend la performance encore plus unique.
En ce qui concerne le G4 Expérience ça va être quelque chose de tout nouveau. Nous mélangerons des concepts de concerts très uniques avec 4 jours de démos. Nous montrerons aux gens présents les différentes facettes de la guitare moderne. Le format va être énergisant pour les joueurs parce que nous savons tous qu’à la fin de la journée on peut jouer un vrai concert et on n’est pas là juste pour faire des démonstrations et pour expliquer des partitions. Je pense que pour les gens qui viennent ça va être vraiment sympa pour eux de voir les 2 côtés des musiciens. Nous serons très ouverts et leurs expliquerons les techniques de la composition, ou ce que l’on fait avec nos doigts et d’autres trucs de ce genre puis ils verront ces conseils se transformer en performance, ce sera gratifiant et concret.
Q : Johnny Winter est décédé il y a quelques jours, étiez vous proches ?
JS : Je n’ai jamais rencontré Johnny Winter. J’ai grandi en jouant beaucoup de ses chansons et je l’ai vu jouer avec son frère plusieurs fois quand j’étais enfant à New York.
Je sais que j’ai absorbé beaucoup de son style. Il avait une façon très particulière et unique de jouer le Blues, il était électrifiant. Son style de vibrato la façon dont il utilisait les Tunings et les Slides et la quantité de notes en général étaient juste incroyable. Il a percé d’une manière différente des autres. Dans le monde du Blues, un joueur doit plus ou moins imiter les autres pour que les gens aiment ce qu’il fait. Lui, il a été accepté immédiatement, il jouait comme personne d’autre mais il adorait jouer. Il était aussi un très bon producteur, je pense qu’il a produit les meilleurs albums de Muddy Waters. Il adorait la musique et le Blues et c’est une grosse perte pour le monde musical.
Q : Que pensez vous de la carrière des vos anciens étudiants ?
JS : Quand j’enseignais à ces étudiants, ils venaient s’asseoir en face de moi et on partageait tous le même rêve. On faisait tous partis de la même équipe, on voulait juste pouvoir se réveiller et juste pouvoir jouer toute la journée et en faire notre métier.
Le fait de savoir comment jouer cet accord ou cette corde, de cette façon ou d’une autre était important, mais le plus important était que l’un d’entre nous réussisse. Si on devait tous réussir, encore mieux, mais au moins l’un d’entre nous. Et donc chaque fois que l’un d’entre nous a un succès quelconque, nous avons toujours tous apprécié. Ces hommes tels que Steve Vai, Kirk Hammett ou Larry Lalonde et beaucoup d’autres, ils ont connu le succès grâce à leur détermination, leur style unique, leur talent et leur personnalité ; et je pense qu’ils méritent tous le succès qu’ils reçoivent.
Q : Vous les voyez encore ?
JS : Oui, mais nous habitons tellement loin les uns des autres, mise à part Kirk, il habite très près de chez moi, quand il n’est pas à Hawaï on se voit. Je joue régulièrement avec Steve Vai en Tour, mais pour les autres comme Charlie Hunter ou Alex Skolnick, je ne les voies pas souvent. On voyage tous plus ou moins en même temps dans des endroits différents alors c’est pas facile.
Mais c’est Fun de penser qu’ils sont quelque par en train de jouer leur musique pour les gens.