La fièvre du samedi soir… !

La 16ème édition de Rock en Seine vient de se finir sur du lourd. Du très lourd… Trois styles, trois nationalités, trois histoires et trajectoires de vie différentes, un seul objectif commun : Enflammer les 90 000 amateurs de Rock présents un samedi soir sur Paris !

Souvenez-vous, le 28 août 2009, après une guitare pulvérisée et un Noel Gallagher très en colère, Oasis n’est plus. Noel, l’aîné décide, après une énième altercation toujours plus violente avec son frère, Liam, de quitter Oasis, juste avant même de se produire sur la grande scène parisienne. Neuf ans déjà. Il aura fallu neuf ans au cadet, Liam, Leader colérique pour revenir sur le lieu du crime… Au Domaine de Saint-Cloud pour le prestigieux Rock en Seine. Neuf longues années lorsque Noel en a laissé s’écouler trois pour venir célébrer les dix ans du festival parisien.

Il est 20 heures 45 précises. L’hymne de l’équipe de football Manchester City, l’équipe de cœur depuis toujours du Leader d’Oasis, retentit et prépare l’arrivée de la Rock ‘n’ Roll Star de la Brit-Pop des Nineties. N’oublions pas que Manchester est à Oasis ce que Liverpool est aux Beatles… ! Dès son apparition, Liam met très vite les pendules à l’heure. Il entre en piste d’un pas débonnaire, envoyant un franc et massif « Vive la France » avant d’entonner comme premier titre, ‘’Rock ‘n’ Roll Star’’, puis ‘’Morning Glory’’. Le ton est donné : Oui, indéniablement, Oasis lui manque terriblement. Même si les quatre titres suivants sont issus de sa carrière solo, ‘’Greedy Soul’’, ‘’Wall Of Glass’’, ’Bold’’, ‘’For What It’s Worth’’, le répertoire se révèle une succession de rappels à ses plus belles années musicales : Oasis le hante… On sent poindre un espoir désespéré de reformation dans le regard de l’ex-Leader et une espérance portée par une grande majorité des festivaliers.

Néanmoins, pour Liam, la vie a changé. Et pas qu’artistiquement ! De réputation rageuse, colérique et souvent insupportable, cet ancien mauvais garçon, s’adresse à son public français avec un ton plus courtois qu’à ses habitudes. L’enfant terrible du Rock s’est donc vraiment assagi !!! Neuf années ont donc été nécessaires pour que le Rebel de Manchester parvienne à un tel changement. Comme quoi tout arrive. Ne jamais perdre espoir. Et avec Liam, du changement inattendu, ce soir-là, il y en a bien d’autres.

Malgré les querelles du passé entre les deux frères, et les tristes rancœurs qui ont jalonné depuis, Liam dédie ‘’Champagne Supernova’’, l’excellent titre d’Oasis, à Noel Gallagher… Dernier morceau joué avec son frère aîné au V Festival au Royaume-Uni le 22 août 2009, concert tendu qui restera la dernière date dans l’histoire d’Oasis avant leur ultime dispute fatale. Une façon de montrer à ses fans qu’il semble en paix avec son grand frère… En paix, visiblement, peut-être avec lui-même également. D’aucuns y voient là une bien belle façon bien d’exprimer son désir de reformer l’inoubliable Oasis. Un mirage pour reformer cet Oasis qui lui manque tant. Un appel du pied que Noel ne cesse de rejeter… Depuis son communiqué du 28 Août 2009, normal qu’il ne désire plus revenir au sein d’un combo qui s’est séparé dans une immense douleur pour lui : « Mais je pense que vous avez le droit de savoir que le niveau d’intimidations violentes et verbales, me visant moi, ma famille, amis et camarades est devenu intolérable. Le manque de soutien et de compréhension venant de mon management et mes collègues du groupe ne m’a laissé d’autre choix que de tout arrêter « . Et d’ajouter trois ans plus tard :  » Est-ce que je me sens mieux sans mon frère ? La réponse est oui, déclarait-il récemment en conférence de presse. Financièrement d’abord, et humainement aussi. Je regrette un peu Oasis, j’avais mis 18 ans à devenir ce type à droite du chanteur qui jouait de la guitare et qui faisait des Backing Vocals ».

Alors, après de tels propos, pourquoi revenir en arrière ? Mais, avouons le bien, aujourd’hui, Noel s’en sort bien mieux artistiquement que son petit frère… Pourtant, tout le monde veut y croire à cette reformation. Même les appels du pied de Marion Gabbaï, l’excellente programmatrice du festival, ne suffiront pas à le convaincre. Pour Noel, la réponse demeurera toujours aussi claire et sans appel : « Oasis, c’est définitivement fini. »

Avec un Noel toujours aussi facétieux, les événements peuvent bien souvent prêter à sourire tant on peut déceler une certaine compétition entre les deux frères ennemis. Pendant que Liam se produit le samedi soir à Paris, avant Thirty Seconds To Mars, Noel joue le lendemain en tête d’affiche au festival du Roi Arthur, à Bréal-Sous-Montfort, près de Rennes. Même à distance, ces deux là, restent toujours aussi joueur… Et taquin ! Noel peut continuer à jubiler de là ou il est : lors de sa venue pour les dix ans du festival parisien, les organisateurs enregistraient une affluence record, 110 000 festivaliers, quand Liam en rassemblent cette année 20 000 de moins…

Mais revenons à ce qui nous préoccupe ce jour, la seizième édition de Rock en Seine. Liam toujours aussi nostalgique de son groupe d’adolescent, puissent dans ces souvenirs. Pour les fans des frères Gallagher, Liam fait un choix gagnant dans sa Setlit du soir : ’Some Might Say’’, ‘’Whatever’’, ‘’Supersonic’’, ‘’Cigarette And Alcohol’’, ‘’Wonderwall’’  ponctuent l’excellente prestation du Bad Boy anglais. Un Set d’une heure, mélangeant surtout des titres du répertoire d’Oasis. Au total, neuf sur quinze seront proposées à une foule conquise.

Même si le Rock reste le moyen d’expression favori de Liam, en matière d’humour, l’anglais n’est pas en reste non plus… A la fin de son Set, l’artiste ne se prive pas d’un énième clin d’œil espiègle : « Je me disais bien que les loges d’ici me rappelaient quelque chose… » A ne pas en douter, deux frères aussi facétieux au même sens de l’humour ironique et la même passion effrénée pour la musique, ils ne sont pas frères pour rien… Ce sont les parents qui ont dû s’amuser… !

Après plus d’une heure intense, le concert s’achève sur un splendide ‘’Wonderwall’’, version plus intime que d’habitude, et un nouveau clin d’œil à son ex-comparse et toujours frère aîné…, ‘’Live Forever’’, un titre optimiste que Noel avait composé avant la formation officielle d’Oasis.

Avec cette prestation Rock et bien Punchy par l’un des plus ex-mauvais garçon du Rock des Nineties, la soirée de gala vient de se lancer avec succès.

Quelques minutes plus tard, le temps de se choper une bière au passage et de changer d’espace pour se rendre sur l’autre scène, La Grande scène Cascade. Ne pas perdre de temps, le planning se révèle minuté et très précis depuis le début de la journée. C’est sur cette Grande scène Cascade que l’on va vivre un autre moment inoubliable. Au milieu d’une superbe scénographie de panneaux lumineux blanc, Charlotte Gainsbourg, éclatante avec ses accents Electro et Groovy, se fait une place de choix parmi les grands artistes à s’être produits à Rock en Seine. Épatante, élégante et raffinée, Charlotte règne elle aussi en maître incontestée sur le festival. Son talent illumine.

Charlotte Gainsbourg

Charlotte se trouve à la hauteur des plus grands artistes français dans sa catégorie. Les comparaisons demeurent simples. Elle représente dignement la version féminine et hybride de Julien Doré et de M (Mathieu Chédid). Le gros son qu’elle envoie ce soir-là aux festivaliers, le Lightshow hypnotique, et les musiciens surmotivés, tout y est impeccable. Le résultat s’avère archi efficace pour que les heureux spectateurs en prennent plein les yeux et les oreilles. Il y a incontestablement un avant et un après à la suite de sa prestation. Impressionnante et généreuse artiste, la foule se fond avec la timide artiste. Avec Charlotte aux commandes, le public vacille. Les vrais amateurs de musique s’inclinent devant une telle offrande de la part de cette surdouée. En même temps, baignée dans une potion magique dès la naissance, la fermentation a plutôt très bien réussie. Charlotte propose une alchimie parfaite : Charlotte possède la voix suave, poétique et voluptueuse à l’image de sa maman, Jane, combinée à la musicalité et au talent inné de son père, Serge. Sa technique du piano peut en laisser plus d’un sur le carreau. Charlotte ambiance une foule admiratrice et embarque les plus sceptiques dans un sublime voyage Eléctro, Rock, Pop. Perplexe, j’ai été sensuellement happé, c’est dire… Même dans les moments les plus intimes, Charlotte fait mouche.

Toujours aussi émotive, sans jamais feindre le pathos ou de surjouer un rôle, Charlotte dédie sobrement le titre ‘’Kate’’ à sa demie sœur décédée en 2013. Avec Charlotte, tout y est, … L’émotion flirte ici avec le sublime. La puissance se conjugue avec l’efficacité. Au professionnalisme s’adjoint la liberté totale pour cette enfant de la balle. En une heure et quinze chansons, ‘’Lying With You’’, ‘’Ring-a-Ring o’ Roses’’, ‘’I’m a Lie’’, ‘’Heaven Can’t Wait’’, ‘’Sylvia Says’’, Charlotte l’inspirante artiste donne le « la » à ce festival en démontrant qu’avec une Setlist parfaite : ‘’The Song That We Sing’, ‘’Paradisco’’, ‘’Les crocodiles’’, ‘’Deadly Valentine’’, ‘’Charlotte For Ever’’, ‘’Remarkable Day’’, ‘’Runaway’’, une artiste complète peut conquérir n’importe qui. Preuve que l’on peut être une femme, descendante d’icônes de chanson française et se faire un prénom, puis le porter fièrement au firmament de l’industrie du disque. Et surtout réussir cet exploit, sans jamais jouer de la carte fille de… Bravo et respect à Charlotte, For Ever. La Frenchie se paye le luxe de clore son Set avec l’inoubliable ‘’Lemon Incest’’, juste pour rappeler qu’elle n’est là, ni par hasard, ni que sa carrière de chanteuse deviendra une carrière éphémère, ou vouée à l’être…

La soirée respectant toutes ses promesses, c’est au tour de la famille Leto d’achever cette soirée exceptionnelle. Et oui, il faut bien une fin à toute bonne chose. Indéniablement, Rock en Seine reste une belle et bien bonne initiative pour les amateurs de Rock. Les Performers les plus fous, les plus déjantés, les plus extravagants, les plus novateurs,… Se succèdent sur les scènes d’un festival reconnu à travers le monde comme étant ‘’The Place To Be In Summer’’… Les meilleurs artistes du monde entier viennent et reviennent. Le Domaine de Saint-Cloud : Un carrefour de l’excellence…

Seul bémol cette année, pour Thirty Seconds To Mars… Le gigantesque scénique trio américain, avec leur dernier concert parisien, le 14 mars dernier à l’Accord Hôtel Arena Bercy, le souvenir de leur Show fut si calamiteux que Jared se devait ce soir de redresser rapidement la barre pour ne pas perdre définitivement les fans toujours aussi mécontents et remontés contre le combo que j’ai pu croiser durant la journée. Même leur guitariste Tomo Milicevic, le 11 juin dernier, a quitté le groupe après d’énormes désaccords liés à cette tournée. Pour les frères Leto, rien ne semble plus aller. Le désamour serait-il consommé… ? Ce ne sont pas les deux autres prestations parisiennes aussi surprenantes qu’expresses, le 16 avril dernier, dans la cour du Louvre et au Pont des Arts, qui ont pansé les blessures des fans parisiens. S’il n’y avait que ce point noir pour les fans français… Le Leader américain ne pouvait ignorer la seconde grande déception française : un album Pop-Electro bien trop éloigné du Rock qui a longtemps fait l’excellente réputation scénique du groupe. Le nombre florissant de messages sur les déçus français depuis plusieurs mois sur la toile et les différents sites de fans officiels du groupe l’attestent encore aujourd’hui. Rectifier le tir pour la famille Leto devenait urgentissime. Ce groupe Rock Live avant tout ne semble pas impressionné par ce défi : Les frères tournent ensemble depuis 21 ans et enchaînent les concerts depuis avec une aisance vertigineuse, le Guiness Book leur décernera même un prix en 2009 pour un record toujours inégalé à ce jour : Le groupe ayant enchaîné le plus de concerts en une seule tournée, plus de trois cents… Quand on aime, on ne compte pas… ! Paris restant un lieu particulier pour Thirty Seconds To Mars et les fans français si importants pour Jared, nul doute que ces Américains allaient donc déployer une énergie dévastatrice dont ils ont l’habitude pour nous reconquérir.

Avec cinq minutes de retard, les musiciens de Thirty Seconds To Mars débarquent sur scène, donnant ainsi à Shanon Leto l’occasion de briller avec un instrumental, tiré du dernier opus, Monolith, démontrant tout le talent de ce batteur. Immédiatement dans le bain, les instrumentistes envoient un gigantesque ‘’Up In The Air’’, un tonitruant ‘’King And Queens’’ et un archi pêchu ‘’This Is War’’, avec ses fameux lâchés légendaires de ballons, offrant à Jared un espace complètement fou pour soulever la foule. Trois missiles de la grande époque pour regonfler à bloc sa horde de fans, la célèbre : Mars Army. Alors oui, à l’aide des éternelles chansons incontournables du combo, la Grande Scène de Rock en Seine s’avère bien le théâtre d’une bataille sans merci pour la reconquête des fans perdus. Une guerre certes facilitée par un Jared en pleine forme. Peut-être soulagé du départ de Tomo

Après un détour sur son nouvel opus avec ‘’Dangerous Night’’, Jared revient à ses fondamentaux en assénant l’excellent ‘’Do Or Die’’, de douze minutes. Le Leader américain lance aux côtés de Loïc, un jeune mineur résident de la charmante ville hôte de Saint-Cloud la suite des festivités. Le jeune petit garçon blond, très intimidé, va, sous l’impulsion de Jared, jouer avec les festivaliers afin de déterminer quelle partie du public s’avère la meilleure… Définitivement, Jared sait faire le Show, même avec les plus petits fans. Sur cette grande scène, ce multi-talents ne cesse de montrer son amour pour Paris : Sur ‘’Do Or Die’’, le Frontman brandit un énorme drapeau français ; le séducteur américain clame toutes les trois chansons son amour à son club de fans, la Mars Army ; l’enragé Performer fait monter un nombre impressionnant de Groupies enamourés sur la Grande Scène pour le désormais classique bouquet final ‘’Closer To The Edge’’. Cette apothéose Live survient après un excellent ‘’Walk On Water’’, (dernier Single en date), un splendide moment avec ‘’Live Like A Dream’’ (le plus gros titre du nouvel opus Americana) et de percutants ‘’Night Of The Hunter’’ et ‘’The Kill’’. Pour ce final, treize minutes durant, plus de trois cents fans agités manifestent sur la scène leur énorme enthousiasme autour du groupe devant une foule conquise. En un peu moins de six minutes, ces trois cents jeunes, tous choisi par Jared, investissent la gigantesque scène du festival. La pression monte. L’engouement s’avère total. La sécurité prend même peur en voyant le nombre de jeunes qui tentent de rejoindre la scène, les vigiles essaient de réagir afin de calmer la situation qui les dépasse, tandis que le régisseur intervient pour dissuader certains festivaliers de passer. Il n’en faut pas plus pour que Jared a arrêter tout net le Show et invective le « trou du cul » comme il le nomme d’un : « Ne m’arrête pas ! » Jared lui explique d’un ton inamical qu’il n’a aucun droit de s’opposer à son action, un rituel qu’il a bien entendu pris le soin de mentionner aux responsables du festival et que ces derniers ont bien évidemment accepté.

Seule déception, mais on s’en remettra, ‘’From Yesterday’’, un titre phare sur scène, comme sur disque d’ailleurs, figurait bien sur la Setlist des morceaux que Thirty Seconds To Mars devait jouer, mais il a été sacrifié pour l’occasion, tout comme ‘’Remedy’’. Deux impasses qui ne devraient laisser aucune trace chez les vrais fans.

La soirée s’achève avec le plein de décibels, sur une note magique et un résultat de trois concerts différents, mais qui, chacun dans leur univers, ont été mené à la perfection. Alors, à l’année prochaine pour notre dose de surprises et d’émotions fortes… Et pour la dix-septième édition de ce festival Rock parisien, comme dirait Jared, And the story goes on...
Live Report : Carlos Sancho, images Dr : Rock En Seine