Metallica …And Justice For All (Deluxe Edition)
Blackened Recordings / Universal Music
Note : 5/5
Genre : Metal Thrash Progressif
Chronique de : Laurent »Drummer Boy » Bendahan
Après Kill Em All, Ride The Lightning et Master Of Puppets, c’est au tour de …And Justice For All de bénéficier d’une sortie en coffret Deluxe. Lorsque l’opus est arrivé dans les bacs (le 6 septembre 1988), il en a surpris plus d’un. Jamais les Four Horsemen n’avaient écrit une musique aussi compliquée (certains diront « progressive »). Vue la direction prise sur Master Of Puppets, nous pouvions aisément dès 1986, deviner la volonté de Lars & Co de pousser au paroxysme leurs capacités techniques. En revanche, personne n’avait envisagé une telle production, fondée sur le duo Ulrich/Hetfield. (Guitares rythmiques ultra-épaisses, tranchantes, et batterie au rendu ultra-sec.) Avec le recul, cette « super compression » appliquée sur les grosses caisses définira la norme de production du Metal moderne. Pour l’époque, ce procédé permettant aux grosses caisses de percer le mur des guitares était inédit (en tout cas, mal maîtrisé jusqu’à présent). Metallica pouvait une fois de plus se targuer d’avoir défini et perfectionné un standard que le monde entier reprendrait.
Nous pouvons à présent nous attarder sur le sujet qui fâche, le niveau de la basse de Jason Newsted (nouvellement arrivé), mis proche de zéro dans le mix. Les deux Leaders s’étaient justifiés comme ils le pouvaient, évoquant des lignes de basse peu intéressantes (car trop proches des guitares), dont les fréquences se chevauchaient avec celles émises par la gratt’ de James. Des observateurs extérieurs évoqueront l’insupportable bizutage dont Jason avait été victime durant des années, une sorte de réaction plus ou moins consciente visant à compenser la mort brutale de son prédécesseur Cliff Burton. Alors ? Qu’en est-il de cette version 2018 de Justice ? Les parties de basse de Jason ont-elles été réhabilitées ? Eh bien non ! Le mix a été laissé en l’état, l’ensemble ayant été simplement remasterisé. Résultat des courses, un rendu encore plus sec, un peu comme si vous mettiez une grosse quantité de biscuits secs dans la bouche sans le verre de lait qui va avec. La version originale possédait en effet un semblant de fréquences basses, une sorte de vrombissement légèrement retardé des guitares rythmiques. Cet effet a été complètement effacé. Si l’on veut voir les choses du bon côté, jamais la batterie de Lars n’a été aussi intelligible. Cette nouvelle Masterisation est l’occasion de redécouvrir toute la dextérité du batteur Danois, alors âgé de 25 ans et au sommet de son art.
Nous ne nous attarderons pas en détail sur les qualités intrinsèques de ce disque. Les brûlots que sont « Blackened », « One », « Harvester Of Sorrow », le titre éponyme ou l’instrumental « To Live Is To Die » parlent d’eux-mêmes. Un Must du Thrash Progressif avec une approche mélodique à couper le souffle !
Du côté des bonus, nous avons droit à du lourd, avec quatre concerts audio de très bonne qualité (pour l’époque), confirmant le niveau technique hallucinant atteint par l’ensemble du groupe. Nous retiendrons dans le lot le fameux concert de Seattle de 1989, originellement sorti en VHS dans le Coffret Live Shit : Binge & Purge (1993). La Box contient également tous les éléments permettant de suivre la genèse de l’œuvre, à savoir un CD de maquettes de tous les titres et un bon nombre de démos de travail de James. À noter que l’intégralité de la partie audio est fournie en mp3 via une carte de téléchargement.
Du côté des vidéos, le groupe et son Management n’avaient visiblement pas jugé utile d’investir dans une équipe de tournage professionnelle. (Pour cela, il va falloir attendre leur médiatisation mondiale trois ans plus tard avec le Black Album). Ici, la plupart des Lives proposés en DVD sont des documents amateurs filmés par une caméra avec un son saturant. Le Show de « Mountain View » de 89, en multi-caméras, est celui qui possède la meilleure qualité d’image. Mais pour des raisons que nous ignorons, la bande son (prise à la table de mix) s’est abîmée. L’ensemble se veut fluctuant et distordu, à tel point que l’accordage des guitares en est chamboulé. Le document le plus épatant est l’intégralité de la Home Video 2 Of One, agrémentée d’un « Making Of » et d’angles de vus inédits, chaque musicien étant filmé individuellement. Et Pour ceux qui veulent en savoir plus sur l’état d’esprit du groupe à l’époque, pas mal d’Interviews audio et vidéo ont été exhumées.
Comme d’habitude, le tout est fourni avec un livre cartonné rempli de photos inédites, une lithographie Harvester Of Sorrow (dessinée par l’artiste attitré Pushead), une copie des paroles écrites de la main de James, et des Goodies (Quatre Patches et un Pass laminé).
En bref, ce coffret « jusqu’au boutiste » est avant tout réservé aux spécialistes, aux frappadingues, à ceux qui respirent et mangent du Metallica à tous les repas. Ceux qui ne se sentent pas aussi extrêmes pourront se rabattre sur la version triple CD Digipack (contenant l’album remasterisé, les versions démos et une compil’ de Lives), ou sur la version Digipack de l’album seul.
Après une telle débauche de technicité, le groupe finira par aller dans la direction opposée, n’envisageant plus un instant de s’embêter sur scène avec des titres aussi casse-gueule qui laissent une bonne partie de l’auditoire perplexe. Mais ça, c’est une autre histoire…