Francis Lalanne à Paris, au Bateau Théâtre « Le nez rouge« , le 8 décembre 2018

Second volet. Le samedi n’a rien à voir avec la soirée de la veille. Francis, seul cette fois, toujours vêtu de son gilet jaune, revient pour un nouveau voyage musical. Il lance un nouveau pic devant la foule pour montrer son soutien aux manifestations habituelles de la fin de semaine des Gilets jaunes, lui qui vote blanc depuis quelques années déjà. « De toute façon, explique-t-il avec malice, avec la politique actuelle, il va falloir s’habituer, encore pendant trois ans et demi, à sortir le samedi… » Pendant près de trois heures de concert solo qui ne sont pas sans nous rappeler les quinze jours qu’il avait enchaîné au Palais des Congrès en 1992, et afin de ne pas léser ses fans venus les deux soirs, Francis suit toujours sa ligne de conduite : L’artiste change systématiquement sa Setlist en fonction de son humeur, même si certains titres incontournables persistent à chaque spectacle. Ce soir-là, Francis avoue qu’il va se laisser porter par ses envies et n’a pas voulu préparer sa soirée. Du coup, alors qu’il connaît plus de 3000 chansons, en ce 8 décembre, chacune viendra selon l’humeur du moment et de sa relation privilégiée avec son public.

Cette nuit de décembre 2018, nous sommes face à une nouvelle navigation artistique qui démarre très fort : Francis ouvre les hostilités avec son premier titre, ‘’Si j’avais le Sida, ferais-tu l’amour avec moi ?’’… Heureusement, il poursuit la soirée avec des titres bien plus heureux… Pour son second Show, la direction se trouve différente de la veille : le spectacle propose une dimension familiale et bien plus personnelle. Francis enchaîne donc le bal en interprétant une des chansons qu’il avait écrites pour chacun de ses enfants, ses trois filles et son seul fils. L’artiste débute par celle qui parle de son petit dernier, Néokahn, son garçon… Avec Francis, il faut s’attendre à tout et c’est bien cela qui fait son charme. Dès le début de l’hommage à son fiston, le chanteur en oublie les paroles. L’artiste s’en amuse et finit au bout de quelques dizaines de secondes par s’en rappeler. Perfectionniste, Francis décide de la rechanter dès le début et jusqu’au bout cette fois. Il y parvient ! Amusé par son trou de mémoire, Francis raconte que ce type d’événement n’est pas isolé. La chanson sur laquelle il a eu le plus de trou de mémoire reste de loin ‘’La maison du bonheur’’. Le chanteur nous raconte que cela s’est passé lors de sa première télévision, aux côtés de Guy Lux, il avait accepté quasi contraint un Playback orchestre. Dès la première phrase de la chanson, « Un jardin… » l’artiste se trouvait face caméra et montrait à la France entière qu’il ne se souvenait plus de ce qu’ il y avait « avec le jardin ». Le trou noir. Ne se démontant pas, il attend que le Playback se termine et que le présentateur télé le félicite pour une interprétation aussi ratée. Le public de la péniche éclate de rire..

Francis poursuit son tour de chant de la soirée après quelques autres confessions toutes aussi hilarantes. La deuxième chanson pour ses enfants s’appelle ‘’Ma nana’’. Elle fut composée pour sa fille cadette Hélia. C’est au tour de rendre hommage à Céléna avec une comptine. Francis finira son tour de famille avec ‘’Premier enfant, début du rêve’’, une jolie balade pour sa fille aînée Ea. Un tel tour d’horizon familial sur scène, c’est une première, de mémoire. Devenu fraîchement grand-père de deux petits enfants, un petit fils, puis une petite fille, Francis n’a jamais offert un cadeau aussi personnel à ses fans. Néanmoins, avec son éternel humour, alors que nous sommes en plein spectacle, Francis nous rappelle qu’heureusement il n’a que quatre enfants et n’a encore rien composé pour ses petits-enfants…

Une fois les déclarations musicales d’amour à sa famille terminées, Francis s’attaque avec le soutien de son public au rythme plus soutenu avec ‘’J’ai besoin d’ailes’’ avant de s’épancher avec ‘’Celle qui m’a fait si mal’’, puis ‘’Pleure un bon coup ma p’tite Véro’’. Francis décide d’interpeller son ami Gérald Dahan en le provoquant d’un gage : qu’il vienne le rejoindre pour chanter avec lui la chanson qu’il lui a écrite. Francis a récemment apporté ‘’Monsieur Charles’’, un émouvant titre, en hommage à Charles Aznavour rédigé, le jour du décès du chanteur arménien, dans un taxi belge en se rendant dans les studios d’une radio bruxelloise. Un cadeau qu’il désirait offrir à son ami Gérald Dahan. Une offrande que nous avons reçue des deux artistes ce 8 décembre 2018. Très grand moment d’émotion en découvrant la véritable voix du célèbre imitateur Gérald tandis que Francis l’accompagne simplement à la guitare. C’est ainsi grâce à ce titre que Francis, nous explique comment il a découvert ce lieu sur lequel il se produit depuis deux jours. Toujours prêt à nous raconter des anecdotes, Francis nous confie comment il a découvert ce petit théâtre dans un coin reculé du 19ème arrondissement parisien. Alors que Jean-Félix a plusieurs fois joué sur ce bateau, ce n’est qu’après le décès de Charles Aznavour que l’aîné de la fratrie est venu dans ce lieu intimiste.

Après quelques pitreries des deux artistes, retour à la musique. Francis interprète le sublime ‘’T’es marron’’ avec une interprétation plus Rock et terriblement envoûtante. Après quarante années de fidélité, et au fur et à mesure de la soirée, les fans réalisent qu’ils ne savent pas tout de leur idole. Ses diverses confessions du soir continuent. Après les chansons sur ces quatre enfants, l’artiste raconte l’histoire de l’un de ses premiers amours… Avec une prostituée. Une période amoureuse difficile que Francis avoue ne jamais, ou presque, aborder. En quarante ans, ce n’est que la seconde fois qu’il ose chanter ‘’Je suis descendu dans les égouts’’. Le chanteur confesse que les paroles de ce titre lui ont souvent été reprochées en raison de la violence du thème et de son aspect si impudique. Du pur Francis Lalanne, quoi !

Pour ce second soir, Exit les poèmes et les provocations politiques. Francis confesse qu’il désire revisiter ses anciennes chansons pour continuer le voyage nostalgique dans le temps avec ses vieux amis présents dans la salle. En réalité, la place des anciens titres dans le cœur des fans, Gérald Dahan en tête, demeure toujours aussi importante, même pour Francis visiblement. Tant mieux ! La soirée se poursuit donc avec ‘’La plus belle fois qu’on m’a dit je t’aime’’. En écoutant ce splendide titre, les souvenirs d’adolescent de Gérald Dahan remontent en flèche. Du coup, l’imitateur demande à remonter sur scène afin de raconter son anecdote. Décidément, la soirée s’enchaîne avec de magnifiques surprises et des anecdotes qui pleuvent de partout. L’immense plaisir continue pour les spectateurs. Retour donc sur une nouvelle confession importante afin de comprendre la grande valeur de leur amitié réciproque. Souvenir : Quelques jours avant le mariage des Dahan, alors que Francis ne pouvait être présent à l’heureux événement de ses amis pour y chanter la chanson fétiche des amoureux, le chanteur propose de chanter a capella l’incontournable succès ‘’La maison du Bonheur’’, sur le portable de Gérald. Retour sur la péniche… Gérald désire se rattraper en interprétant, cette fois avec son ami Francis, cet hymne à l’amour afin de la dédicacer à Elisa, sa fille dont c’est l’anniversaire ce 8 décembre, et à Claire, sa femme présente ce soir dans la salle. Le comique avoue là devant l’assemblée son amour indéfectible d’adolescent pour le saltimbanque. Une découverte pour une partie de la salle. Pas pour Francis. Les amitiés fidèles comme celles-ci restent et resteront toujours le carburant le plus précieux pour le chanteur. Ce dernier ne se fait pas prier pour improviser encore un moment magique afin de faire plaisir à son ami Gérald. Ni une ni deux, Francis demande à faire déplacer le piano que l’organisateur avait fait accorder pour la venue de son idole. L’équipe technique et Gérald Dahan Himself s’occupent de positionner le piano de trois quart pendant que le facétieux Francis communique avec son public afin de le faire patienter en riant. Les blagues et les nouvelles anecdotes fusent pendant ces quelques minutes que prend l’installation de la scène. Une fois fin prêt, Francis s’installe confortablement sur trois coussins tandis que Gérald s’assied non moins confortablement sur un tabouret de bar sur le côté du piano. Sur ce dit piano, face au comique, se trouve sa tablette afin qu’il la regarde discrètement pendant l’interprétation de sa chanson fétiche. Une manière habile d’éviter de copier Francis qui, je vous le rappelle, avait plus tôt oublié les paroles de la chanson pour son fils. Gérald nous livre une bien belle version de l’un des hymnes les plus connus de l’artiste. La salle conquise par ce duo d’un soir exulte.

Nul doute que par rapport à ces deux soirées exceptionnelles, le concert avec tous les musiciens du Casino de Paris, en 2006, ne constitue pas le type de spectacle préféré des fans. Son public se dit plus heureux et plus impatient de revoir son idole en solo, ou accompagné de son frère, dans un petit lieu intimiste plutôt qu’avec un groupe sur une grande scène. La version plus intime favorise indéniablement les confessions les plus personnelles et la proximité qui finalement correspond bien davantage aux tours de chants de Francis. Des soirées inoubliables comme celles-ci avec le poète, tous les fans espèrent et aiment les retrouver sans modération. Comme à l’époque avec certains concerts qui pouvaient durer huit heures… Cette symbiose entre l’amour, la passion des mots et la beauté d’une musique que nous recherchons tous, nous les retrouvons toujours auprès de Francis Lalanne.

Avec Francis au piano, l’un de ses instruments majeurs, la nuit nous guide vers une ambiance différente et nostalgique de celle à la guitare que nous a offert l’artiste lors de la prestation de la veille. Un régal pour chaque fan qui raffole de ces passages colorés au piano. Dans cette nouvelle partie du Show, Francis interprète les compositions émouvantes telles ‘’Je n’ai pas trouvé la fille qui me fermera les yeux’’, ‘’On se retrouvera’’, et deux excellents titres en espagnol dont ‘’Cuando Volveras’’. Hier, Francis, le résident du monde, abordait les titres en anglais, ce soir là, il visitait ceux en espagnol. Toute cette partie au piano, Francis l’enchaîne alors que la pluie fait rage sur le bateau. Les larmes de joie venues du ciel que Francis utilise de nouveau pour jouer avec son public en comparant le possible destin final de la péniche à celui du funeste Titanic.

Le poète alterne les chansons ce soir-là qui nous propulsent en quelques mesures vers les beaux pâturages d’antan. Le chanteur ravive les vieux souvenirs avec les anciens tubes qu’il n’a pas interprétés la veille et que le public attendait avec grâce comme ‘’J’veux t’aimer, j’veux pas mourir’’, et pour finir avec l’une de mes préférées, ‘’Toujours à l’air libre’’. Ce 8 décembre 2018, nos vingt ans reviennent. Nos rêves d’adolescents resurgissent. Notre liberté retrouvée en quelques heures, sur les conseils de Francis, nous restons dans la vraie vie, à travers l’amour et la passion. Selon le vieil adage de Francis : « Pour être heureux, avant tout, il suffit d’être dans la vie et d’aimer ». Et là encore, Francis nous le prouve que pour lui, c’est bien l’amour qui le guide jusqu’à nous et non l’aspect mercantile ou promotionnel. Ce Week-End de décembre 2018, Francis n’avait rien à vendre, juste de l’amour à nous donner..

Après ces deux spectacles très singuliers qui auront ravis tous les fans, Francis rappelle à qui veut l’entendre que l’amitié, comme l’amour, n’ont pas de temporalité, ni de limite. Francis, toujours aussi reconnaissant, lâche que ‘’Le Nez rouge’’, la péniche qui l’a recueilli pendant les deux soirées inoubliables, se trouve en difficulté financière. Une info confirmée par le propriétaire. Ce denier, comme le souligne Francis, a préféré abandonner sa zone de confort afin de s’occuper d’une opération plus modeste, mais tellement plus noble : sauver un théâtre et offrir la scène à des artistes de tout horizon. Il n’en fallait pas davantage alors pour que Gérald poursuive ce laïus en remerciant son ami Francis. Gérald explique avec émotion que la générosité du chanteur n’est pas qu’une légende. Francis, comme Jean-Félix, sont venus se produire à Paris pour leur ami et ils lui ont simplement offert la totalité des recettes des deux soirées afin que l’imitateur puisse réinvestir l’argent dans les divers travaux et amélioration dont la péniche a besoin. Francis Lalanne : Artiste engagé, homme non matérialiste, et résident du monde au service des causes injustes, Francis que l’on se le dise, ne changera pas et ne laissera jamais un ami dans la moindre difficulté. Et ses fans non plus. La fidélité inconditionnelle de ses fans apporte au poète une raison de voir la vie autrement : Exister avec le cœur, et non au travers de l’argent et du pouvoir. Deux mamelles néfastes qui dominent le monde dans lequel bon nombre d’entre nous ne parvient pas à trouver le bonheur. Deux combats diamétralement opposés qui ne peuvent coexister dans le rapprochement humain et dans la sincérité de l’amour qui devraient finalement tous nous porter. Cette vision que Francis perpétue depuis ses débuts et malgré toutes les railleries qu’il subit depuis quatre décennies, il ne la quittera pas. Peu importe, Francis aime et continuera d’aimer ceux qui l’aiment.

Alors, après chacun des concerts sur la péniche, sans nul doute, à voir le nombre de personnes qui l’ont attendu à la fin du spectacle pour passer quelques minutes avec leur idole et lui demander des photos, des autographes et quelques sourires, le public lui clame en retour son amour en lui signifiant qu’il sera toujours présent, où qu’il aille. Aucun fan ne cherche à rappeler à l’artiste les magnifiques paroles qu’il a écrites, mais malheureusement pas interprétées lors de nos retrouvailles, le fameux ‘’Rentre chez toi’’… Ce soir là, aucun des spectateurs n’avait envie de rentrer chez lui. Aucun. Définitivement aucun. C’est bien pour sa capacité à avoir rédigé des textes aussi intemporels et les interpréter d’une voix aussi envoûtante qui nous ont toujours accompagnés, que nous l’aimons… Alors, à très vite mon éternel ami !
Live Report & images : Carlos Sancho