L’Utopia en février, l’esprit festif qui domine !

Comme toujours, le Blues Rock demeure à l’honneur à l’Utopia. Vive le Blues Rock. Une passion commune pour tant de gens qui se définissent comme de vrais amateurs de musique. Le Blues aime les musiciens et les musiciens adorent le Blues.

Comme l’explique Jean-Jacques Goldman dans le long métrage Autour du Blues… le film, lorsqu’il s’agit de parler de cette musique, sa réponse demeure sans appel, « Sur le plan personnel, c’est vraiment ma musique de base. C’est bizarre à dire car je fais de la variété, mais dans les phrasées et dans le sens des mélodies quand j’écris des chansons, ce sont bien souvent des Gimmicks de Blues au départ. Le Blues est la musique qui m’a fait aimer toutes les musiques et donner envie d’en faire. Et sur le plan plus général, je crois que le Blues est la mère de toutes les musiques. » Rien que ça ! D’ailleurs, ce ne fut pas rare de voir, l’ami de Michael Jones, Jean-Jacques Goldman, venir dans ce café concert afin de taper le bœuf avec ses amis qui l’accompagnaient en tournée depuis quelques décennies.

C’est dire… L’Utopia, ce lieu mythique, a vu passer les plus grands. Il accueille l’élite et la crème des musiciens français professionnels depuis sa création en 1975. Cette petite salle de Café concert du 14ème arrondissement, connue de tous les musiciens français professionnels reste un des hauts lieux incontournables du Blues. Ce Temple du Blues et du Rock s’avère un endroit immanquable pour les vrais amateurs de ce type de musique. Et comme le répète souvent le gallois, Michael Jones, qui a si souvent joué dans cette salle mythique avec toute l’équipe de Jean-Jacques Goldman « Le Blues représente une superbe bonne excuse pour jouer de la musique avec des copains et se retrouver tous ensemble, car tout le monde connaît les standards. C’est très Fun à jouer. C’est une musique de convivialité par excellence. » Et d’ajouter, « L’avantage avec ce genre de musique, c’est que chacun est au service de l’autre. Et c’est cela qui est génial. Quand on regarde à la fin des prises, on écoute chaque instrument car personne n’empiète sur l’autre. C’est cela le grand luxe de travailler avec tous ces musiciens expérimentés, qui ont l’habitude de la scène, du studio et du Blues. Il n’y a jamais un problème d’ego, mais tout le monde est au service du son du groupe. Et, ça, c’est fabuleux. » Et dans ces moments-là, lorsqu’il faut trouver un lieu pour permettre à ces génies du Blues de jour de la musique, l’Utopia ouvre avec bonheur plus que grand ses portes à tous les copains. D’autant que comme le souligne Dick Rivers, dans Autour du Blues… Le film, « Se retrouver pour jouer du Blues, personne ne le fait pour de l’argent, ni pour les Hits Parades. C’est une musique destinée aux musiciens, le public qui a une oreille, et non aux radios commerciales. Et Basile Leroux et Patrick Verbeke restent des incontournables (NDJ : musiciens) de cette musique de légende. » Une musique de légende jouée dans un haut lieu mythique du Blues. Et Francis Cabrel, toujours dans Autour du Blues… le film, y va également de sa voix, « Pour moi, le Blues, c’est une forme de musique facile. Enfin, qui a l’air facile. C’est quelque chose d’assez direct, assez simple, très habité et pas forcément technique. Cela me correspond plus et mieux que d’autres formes musicales qui sont faites pour les virtuoses. En fait, c’est un peu par commodité que j’apprécie cette musique. J’aime bien les choses simples et extrêmement tendues en même temps avec une épaisseur justement sur la lamentation d’avoir perdu des choses importantes. Le Blues, c’est quelque chose de millénaire, qui est donc très ancien, et qui vient jusqu’à nous et qu’il faut que l’on perpétue. » Et dès qu’il s’agit de parler Blues, la meilleure des formules se révèle délivrée par l’initiateur du formidable projet filmographique, Autour du Blues, Eric Basset qui livre sa réalité dans le long métrage Autour du Blues… le film, « Le Blues permet un consensus très différent de ce qui se passe dans l’industrie du disque. Avec cette musique, il n’existe aucune hiérarchie commerciale, mais on retrouve juste des musiciens qui ont envie de jouer ensemble et qui se respectent parce qu’ils savent qu’ils sont de super musiciens et grâce à leur passé, leur passion du Blues et leurs histoires professionnelles, ils n’ont plus rien à prouver et se trouvent tous au même degré d’exigence et d’excellence. C’est cela la beauté et la magie du Blues. »

En ce début d’année 2019, j’ai eu le plaisir d’y vivre deux belles soirées. La première, le 1er février. Retrouver mon ami Basile Leroux et ses amis. Après plusieurs années, Basile demeure un habitué des lieux. S’il a accompagné les plus grands interprètes sur disque comme sur scène, Jacques Higelin, Yves Simon, Patrick Juvet, Salvator Adamo, Thomas Fersen, Marc Lavoine, oui, j’ai dit les plus grands, ne vous trompez pas, je fais bien entendu référence à Eddy Mitchell (dont il a été pendant plus de 20 ans son chef d’orchestre), Les vieilles Canailles (Johnny, Eddy et Jacques Dutronc), Julien Clerc, Alain Souchon, Céline Dion, Jane Birkin, Pascal Obispo, Jean-Jacques Goldman, Michel Jonasz, Maxime Le Forestier, Patrick Bruel et, en ce moment, il est visible sur la tournée de Véronique Sanson, en attendant, c’est à l’Utopia que vous aurez le plus de chance de parler musique avec lui, boire un bon verre et l’entendre jouer du Blues, la musique qu’il aime par dessus tout. Un moment de plaisir garanti. La relation entre, le Blues, Jacques Higelin et Basile Leroux marque le début d’une très grande amitié et un respect sans borne. C’est depuis l’époque de l’enregistrement d’Alertez les bébés, que le surnom affublé par Jacques ne quitte plus Basile Leroux : il a été baptisé Basilou pour toujours… Avec Basilou, dans ce Temple du Blues, le plaisir est garanti : le guitariste laisse parcourir ses mains sur le superbe manche de ses guitares Fender et nous dégotte des soli qui nous emportent. En trois Sets, Basilou fouille sa mémoire au fil des minutes afin de nous apporter des notes venues d’ailleurs. Partager sa passion de la musique au plus proche. Accompagné de ses amis musiciens, Basilou démontre que la musique, la bonne, ne s’écoute pas que dans les grandes salles ou les Stades. En tous les cas, en ce soir du premier février 2019, Basilou nous a éclatés. Il ne perd pas son talent, au contraire, Basilou se bonifie au point de parler le langage du Blues parfait. La salle pleine d’aficionados, honore le talent que Basilou démontre sur chaque interprétation. La communion entre ce public de quadragénaires, voire quinquagénaires, heureux de se retrouver pour la énième fois à l’Utopia et Basilou, ce musicien exceptionnel s’avère visible. Comment pourrait-il en être autrement, avec un tel artiste qui ravit des générations de musiciens professionnels et de véritables amateurs de bonne musique ? Accessible, homme sensible et musicien inspiré, avec le tendre Basilou, personne ne résiste à ce génie de la musique. Alors, ne laissez pas l’occasion de boire un verre avec lui après une de ses prestations à l’Utopia, ce sera bien plus simple que de le faire dans les loges de la tournée de Véronique Sanson… Une soirée avec Basilou demeure une fête réussie, si vous aimez vraiment la musique bien évidemment. Vérifiez la programmation et jetez-vous sur le prochain concert de Basilou dans ce Temple du Blues qu’est l’Utopia.

La seconde soirée fut pour moi d’une autre dimension. Projeté dans des émotions dont je n’étais pas prêt de me douter. Plus de cinq ans que nous avions perdu la trace de Patrick Verbeke. Quel bonheur de le retrouver ce 19 février 2019 dans ce Temple du Blues. Lui aussi demeure un musicien reconnu par les plus grands. Il a accompagné Francis Cabrel, William Sheller, Yves Montand, Valérie Lagrange, Axel Bauer, Dick Rivers, Paul Personne, Beverly Jo Scott, Jean-Jacques Goldman,… Indéniablement, la notoriété et la réputation de Patrick ne sont plus à faire. Faites-moi confiance. Ceci demeure une évidence. Je me souviens avoir joué de la batterie sur scène avec Patrick Verbeke pour les 50 ans de mon ami André Bercoff, lorsque je travaillais pour lui à l’époque de la funeste Cinq de Silvio Berlusconi. Ce fut mon humble cadeau pour les cinquante piges d’André. J’avoue que je me souviens encore de ce privilège… ! Mais, ne nous y trompons pas, d’autres musiciens bien plus illustres que moi ont voulu monter sur la même scène que Patrick Verbeke. Lors des tournées Autour du Blues, toutes les stars présentes dans ce formidable projet désiraient jouer avec cette légende du Blues français. Alors, lorsque Patrick revient après cinq longues années de lutte contre les poly-maladies, une seule chose compte à ses yeux : la musique et remonter sur une scène… Les Dieux du Blues l’ont entendu… Ce soir-là, à l’Utopia, Patrick commence son concert à 21 heures 50. Seul sur la scène, assis sur une chaise, Patrick marque sa renaissance gagnante en concert en interprétant « Louise Boogie »… Un faux air de Johnny Lang plane sur la scène de l’Utopia et leur santé fragile qui nous explosent au visage en voyant le français. L’émotion se révèle palpable sur son visage. Patrick s’avère heureux d’être là. Et comme on le comprend. Après plusieurs mois d’hospitalisation, son retour semblait inespéré après tant d’excès. A force de volonté, pour l’amour des siens et de la musique qui l’ont sauvé, Patrick a réussit son combat. Bravo et Respect Monsieur. Patrick nous montre le vrai chemin de la vie : Pourquoi s’entêter à accorder trop d’importance à des futilités qui ne doivent finalement pas occuper plus de temps que nécessaire. La vie tenant sur une toute petite corde, il faut aller toujours à l’essentiel. Jouer l’équilibriste s’avère bien souvent une perte de temps et une entreprise trop dangereuse pour celui qui ne prend pas soin de soi. Patrick, par sa présence à l’Utopia, démontre encore plus fermement cet amour de la vie que nous devons tous avoir en nous et qu’il nous faut mettre en œuvre afin de trouver notre bonheur. Quel qu’il soit.


Le trio qui l’accompagne, Pascal Lanier à la basse, Thomas Milteau à la batterie (le fils de l’illustre harmoniciste français), et Étienne Vincent à la seconde guitare, le rejoint sur la seconde chanson « Walking By Myself », de Jimmy Rodgers. Ce titre se révèle de circonstance quand on a vu plus tôt que Patrick avait rejoint la scène à l’aide d’une canne… et lorsque l’on sait que cette chanson lui rappelle les heures sombres où il se perdait allègrement dans l’alcool, et toutes les autres substances absorbées, avant de rentrer péniblement chez lui après ces longues soirées. Des soirées qu’il passait principalement d’ailleurs déjà à l’Utopia. Patrick enchaîne avec un de ses titres « De quoi je vais me plaindre ? » L’humilité de cet homme me touche. Diminué, en rémission, ne se déplaçant qu’avec une canne et plus qu’amaigri, Patrick Verbeke affirme qu’il n’a aucun plainte, ni complainte. Il avance dans la vie avec le reste de force qu’il accumule à travers la musique. Quel Monsieur. Patrick affirme que le Blues n’est pas une musique triste, bien au contraire. Elle lui a toujours offert de la joie et de la puissance. Cependant, il nous joue à 22 heures 15 le seul Blues triste qu’il connaît, « Saint James Infermary ». Un morceau gigantesque de l’exceptionnelle Bessie Smith, une admirable artiste majeure des années 20, surnommée l’impératrice du Blues. Et effectivement, ce titre très mélancolique repris par des monstres tels Joe Cocker, Arlo Guthrie, Django Reinhardt, Louis Amstrong, Janis Joplin, excusez du peu, … Se révèle magnifiquement émouvant. Patrick Verbeke poursuit avec « L’escalier de ma môme » qu’il a coécrit avec Luc Olivier, puis finit son premier Set avec « Angelina », une superbe chanson dédiée aux acadiens qu’il chante sur une superbe rythmique tout droit venue de Louisiane. Angelina, la célèbre héroïne des acadiens partie à travers le pays. Le public marque le tempo cajun en frappant des mains pour ce moment de communion consacrée à une femme hors du commun.

Pour le second Set, Patrick revient seul et récupère le Bottleneck légendaire qu’il utilise avec sa guitare Dobro, la guitare William Saurin comme l’appelle le patron de l’Utopia car c’est un instrument en fer blanc. Patrick l’utilise pour nous interpréter « Emilie », un titre qu’il a composé avec le regretté Luther Allison. Il le joue pour sa fille restée grippé au lit ce 19 février 2019. Patrick part ensuite sur un Gospel traditionnel qu’il envoie avec beaucoup de légèreté et d’humour, « Mississipi River/Rolling Over Me », avant de nous interpréter « Jesus Is On The Main Line ». Le chanteur français explique que cette fameuse ligne principale fut celle dédiée à la nouvelle technologie de l’époque : le téléphone… Patrick s’amuse en disant que de nos jours, cette nouvelle ligne directe serait davantage Internet, Facebook,… L’harmonica débute ses gammes du fond de la salle et finit par se rapprocher de Patrick pour un second Gospel « Down On My Riverside ». Il l’enchaîne sur le même tempo que le titre précédent. Patrick et l’harmoniciste interpellent le public pendant le refrain avec un  »Do You Feel Alright » (s’il va bien avec lui ce soir)… La folie se propage dans ce Temple du Blues. La beauté d’une soirée se ressent avec les vibrations qui se diffusent. Ce soir là, incontestablement, les émois demeurent excellents. Vient ensuite un « Sweet Home Chicago » de qualité et d’émotion exceptionnelles. Le public frappe dans les mains, les musiciens arrivent, et l’instant musical transcende la magie du lieu. Alors que Karine, la maman de son dernier fils, et Corinne, une très bonne amie, se trouvent dans la salle, Patrick dédie « Karina » la chanson suivante à ces deux amies. Patrick change de guitare pour, « La première dame », un superbe titre de 2007 tiré de son disque Bluesographie. Cette chanson raconte l’histoire de son tout premier amour à 16 ans. Manifestement ému de nous la jouer, après seulement deux mesures, Patrick ré accorde son instrument. Troublé, ses yeux partent dans le vide, sa voix tremble. L’émotion s’avère plus que palpable à l’évocation de celle à qui il a donné son âme et son cœur si petit, raconte-t-il… Le chanteur finit son interprétation d’une voix frêle avec un « Ah, nostalgie, quand tu nous tiens ! » Enfin, Patrick termine son second Set par « Delta Queen ». Ce titre fait référence à une croisière sur le Mississippi à bord du fameux paquebot du même nom sur lequel il a toujours rêvé de faire une excursion. Ce final percute l’assemblée. Au milieu de la chanson, Patrick s’engage dans un superbe « Rolling On The River », de Ike and Tina Turner, puis un majestueux « Sympathy For The Devil » des Rolling Stones.

Patrick, éprouvé, mais si heureux, nous donne rendez-vous au bar et promet que cette fois, il n’attendra pas cinq ans pour revenir jouer de la musique pour ses fans. Quand on parle Blues, l’Utopia se révèle ‘’The Place To Be’’. Pas de Blues sans Utopia. Alors, comme la fille de Patrick Verbeke l’a signalé au travers des Tee-shirt qu’elle a mis en vente à l’Utopia, je ne pourrai trouver mieux pour finir ce Live Report, je répète son slogan « Gardons le Blues vivant ! » Souhaitons également à Patrick Verbeke de le rester aussi, le plus longtemps possible pour notre plus grand plaisir…
Textes & photos : Carlos Sancho