Vonda Shepard, au Flow de Paris, le 16 mars 2019.

Oui, vous pourriez vous poser la question : Mais, le journaliste français suivait-il Vonda Shepard dans la série Ally McBeal ? Rassurez-vous, non sans façon. Vraiment pas, ce n’est absolument pas ma tasse de thé. Autant je n’ai jamais visionné la moindre minute de cette série, autant je n’ai pas loupé une miette de la carrière musicale de l’excellente Vonda Shepard


N’oublions pas qu’elle a d’abord été musicienne et choriste, a sorti deux albums avant d’intégrer la série américaine à succès… Elle a vendu plus de douze millions de disques à travers le monde et gagné deux Golden Globes, deux Emmy Awards et deux Screen Actor’s Guild Awards, sans oublier sa récompense dans le Billboard américain pour avoir vendu autant de Soundtrack de la série… Cette artiste complète m’étonne autant qu’elle m’émeut. Ses influences demeurent les mêmes que les miennes. Née à New York City, et ayant émigré à Los Angeles, Vonda a suivi les traces de l’une de ses idoles, Carole King. Carole King, mon idole également depuis mes 15 ans et que j’ai eu la chance de voir plusieurs fois : sur deux tournées à New York City, une fois à Atlanta et à Nashville. Je suis tellement fan de Carole King que j’ai même programmé des voyages à New York City, avec mon fils, et à Londres, juste pour aller voir la Comédie Musicale « Beautiful ». Un Musical sur la vie de cette géniale compositrice. Alors, pourquoi j’apprécie Vonda Shepard ? Ne serait-ce que pour nos goûts musicaux communs, le somptueux : Jackson Browne, l’extraordinaire : James Taylor, la talentueuse : Tori Amos, la performante : Bonnie Raitt, l’envoutante : Rickie Lee Jones (qu’elle a rejoint comme pianiste et choriste dès ses 20 ans), la gigantesque : Aretha Franklin… Je ne pouvais que m’intéresser à cette ravissante américaine !


Comme nous sommes venus pour écouter et voir Vonda Shepard prendre du plaisir avec nous, la chanteuse ne se laisse pas désirer. Le concert est prévu à 20 heures, elle arrive à 20 heures précise. Quel professionnalisme. C’est parti pour une heure et quarante minutes. Un spectacle plus long que tous les autres sur sa tournée. Manifestement, son bonheur d’être à Paris lui donne des ailes et elle a envie de prolonger ce moment d’extase dans notre capitale. Même si Vonda Shepard montre sa joie d’être parmi nous, cela ne l’empêchera pas juste avant d’achever son spectacle de nous expliquer à quel point son fils lui manque. Un enfant né le 15 avril 2006 qu’elle a eu avec le prestigieux producteur de musique : Mitchell Froom… La maman nous confie avec une voix tremblante « Ce soir, c’est mon avant dernier concert et après je file retrouver mon fils qui me manque terriblement. Mais d’ici là, je veux vous transmettre mon bonheur d’être auprès de vous et je vous promets que la prochaine fois je n’attendrai pas autant avant de revenir vous retrouver. »

Enfin, après une telle promesse maternelle, revenons au début. Vonda Shepard débute son Show avec une certaine anxiété, et cela se remarque. Pour sa première chanson, elle montre une certaine fébrilité. Peu importe, le public ne lui est surtout pas hostile. Bien au contraire. Alors que la chanteuse explique en français « J’aime la France et j’adore le côté très Cosy de cette salle », l’Américaine fait un pas agile vers nous. Un de plus. Et oui, la New-Yorkaise explique ses galères et ses péripéties de la journée, le 18ème samedi de sortie pour les « Gilets Jaunes ». Amusée autant que perdue par cette aventure parisienne, Vonda Shepard s’empresse de nous la raconter. Elle commence en français et finit en espagnol. « Nous avons avec mes musiciens dû nous astreindre à un véritable parcours du combattant pour rejoindre le Flow : Une heure de taxi, suivi d’une heure de marche avec tous les instruments sur le dos pour les trois garçons. Merci les « Gilets Jaunes ». Le public rit. Elle poursuit, « Avec ce qui se passe aujourd’hui chez vous, vraiment merci d’être présents, malgré tous les ponts et les rues fermés à la circulation. »


Peu importe, la soirée se poursuit. La salle se prête à un grand moment d’intimité, et vu le répertoire de la chanteuse, franchement c’est tant mieux. Les titres s’enchaînent avec toujours la même minutie, d’abord avec des pianos-voix tous aussi sublimes les uns que les autres. Vonda montre tout son bonheur de retrouver ses fans français. Son sourire nous captive. Ses mimiques nous émeuvent. La chanteuse crée une intimité en parlant dès qu’elle le peut à son public en français, même si elle regrette de ne pas avoir trop pratiqué notre langue. Elle nous lâche en souriant « Si je n’ai pas conservé toutes mes bases françaises, c’est peut-être parce que votre vin est trop bon… » Belle pirouette, on retrouve là l’actrice experte… !

Alors si ce Show fut une réussite parfaite, c’est qu’elle a su, comme toute personne intelligente, s’entourer des meilleurs. Pour réussir sa vie professionnelle comme personnelle, une des premières règles demeure de toujours savoir s’entourer de personnes positives, saines et compétentes. C’est bien connu. Les Américains le comprennent très tôt. L’excellent guitariste, James Ralston, qui a joué pendant vingt-deux ans aux côtés de : Tina Turner et a accompagné : David Bowie, Eros Ramazzoti, Jimmy Barnes… Se révèle admirable dans ses solis. Pour présenter ce musicien, Vonda explique, en s’emmêlant les pinceaux « James a commencé avec la Reine Tina, il avait quatre heures… » L’hilarité se propage… « Non, je voulais dire 17 ans. » Incontestablement, ce James demeure un des meilleurs dans sa catégorie. Cet instrumentiste fait frémir sa Telecaster dès la deuxième chanson. Sur « I Know Better », son solo ouvre un chemin des plus gigantesques pour un final a capella. Il faut bien admettre que la ligne de basse de Jim Hanson ouvre la voie au batteur, Michael Urbano, avec un tempo précis sur sa Gretsch, la Rolls Royce des batteries. Cet intro porte ce morceau vers la perfection. Jim Hanson, fidèle complice de Vonda depuis plus de vingt-trois ans, a déjà sévi auprès de Johnny et Rosanne Cash,… Elle s’amuse en lançant un « Jim a aussi longtemps joué avec Bruce Springfield… Oui, il (Jim) est né à Springfield et a bien entendu joué avec une Star né dans le New Jersey, le fameux Bruce Springsteen. » Cela pose les choses. N’oublions pas que Vonda se révèle une instrumentiste respectée : elle a débuté le piano dès l’âge de six ans, qu’elle a commencé à se produire dans les clubs à partir de 14, et par la suite a gagné plusieurs prix d’interprétation.


Vonda ne s’économise pas sur sa prestation. Même mieux. On sent bien qu’elle donne plus que ce qu’elle ne pourrait. Son dernier concert parisien remonte à bien trop longtemps, elle veut rattraper le temps perdu. À chaque fin de morceau, Vonda en profite pour boire une gorgée d’eau afin de remettre sa voix et son cœur à l’ouvrage. Pour « Maryland », et ses couleurs à dominantes bleues, un superbe piano-voix se profile en préambule à la guitare acoustique très discrète et au batteur qui maîtrise à merveille la technique du Rimshot. Vonda nous confie toujours en français que c’est la seule chanson positive de son répertoire. Et d’ajouter « Je sais, beaucoup de gens pensent que je n’écris que des chansons dépressives… » Peut-être, mais que ses chansons sont belles et émouvantes. Beaucoup d’artistes ne peuvent en dire autant. Pour « Maryland », les chœurs des musiciens accompagnent avec subtilité et efficacité la voix puissante de Vonda. On ne s’attend pas à ce qu’elle soit aussi puissante. Le solo sur cette chanson fait penser à certains excellents morceaux de Jackson Browne, dont elle fut pendant quelques années une des principales choristes. Et accessoirement, un musicien exceptionnel que j’adore.

Justement en parlant de cet autre artiste fétiche, au milieu de son spectacle, Vonda nous confie que sa rencontre avec Jackson Browne fut une des plus belles de sa vie. « Ma vie s’est améliorée au contact de Jackson Browne et de James Taylor. » Un jour, alors que je partageais la scène pendant le Soundcheck du premier, mon rêve allait devenir réalité. Il m’a demandé de chanter une de mes chansons. Une fois exécutée, Jackson Browne m’a lancé un défi : « si ton album était prêt, je t’emmènerais en première partie de ma tournée suivante. » Que croyez-vous que j’ai fait : j’ai décidé illico d’enregistrer mon premier disque ? Sa bonté fut tellement grande, que Jackson m’a même payé le studio pour enregistrer mon disque. » C’était en 1989, il y a déjà trente ans !

Pour fêter cet anniversaire, Vonda joue de mémoire quelques mesures de son tout premier Single, « Can’t We Try » afin d’enchaîner ensuite sur « Searching My Soul », le fameux thème de la série Ally McBeal. Ce clin d’œil musical, elle ne l’a fait qu’à Paris. Le public, à ce moment là, l’ignore et ne mesure pas sa chance… Ce moment est très rare, même si Vonda s’amuse de constater que sa voix ne lui permet pas de chanter cet ancien titre si haut… Elle veut partager son plaisir. C’est en ratant un Break musical qu’elle s’arrête en plein milieu de la chanson, tant elle ne peut contenir ses rires. Les visages sur scène, étonnés autant qu’amusés, démontrent à quel point ce moment demeure magique et unique. Je suis ravi d’y avoir assisté.

Sur « Rookie », le titre éponyme de son dernier album en date, en 2016, donne un autre ton à la soirée. Le tempo, jusqu’alors très lent et doux, vient considérablement d’augmenter. Avec l’aide d’un public conquis, Vonda donne les instructions et les mains dans la salle se joignent afin de lui apporter un soutien rythmique précieux. Il devait y avoir beaucoup d’anglophones sur cette péniche, le Flow, vu comme les mains sont restées en rythme. Le solo, là encore digne des meilleurs de Jackson Browne, transporte. La salle exulte et les musiciens indéniablement s’éclatent. Définitivement, Vonda Shepard restera pour moi la Jackson Browne au féminin.

Sur « Another January », le titre le plus Funky de la soirée, Vonda dirige de nouveaux les battements de mesures du public… C’est aussi le grand moment du batteur. Il peut enfin s’exprimer avec des Breaks, des roulements, des contretemps offrant une dimension différente à ce splendide concert. Le solo de guitare embarque la salle dans le temps. Entre une voix à la Janis Joplin, une guitare à la Jimmy Page, et une basse à la Jaco Pastorius, ce moment restera gravé dans le marbre de la soirée ; et à en mesurer l’ovation que le public lance à la superbe Vonda, je ne suis pas le seul à le penser.

Ces acclamations la propulsent dans une excitation qui la démange. Et nous avec. Du coup, alors que sa Setlist semblait assez peu modifiable, le spectacle parisien devient l’exception qui confirme la règle : pour ce Show, Vonda demande à ses musiciens ce qu’ils désirent jouer… Moment exceptionnel. Ils partent sur une improvisation qui nous ravit. La magie de cette soirée n’a pas d’équivalence. Pour moi, la surprise de voir Vonda Shepard devient l’énorme éblouissement musical de ces derniers temps. Une heure de spectacle et nous n’avons aucune envie que ce concert s’achève. La suite reste à la mesure des émotions que nous ressentons tous. Des pianos-voix qui pleuvent. Des interprétations à en faire frémir les poils. Et le tout, saupoudré par des musiciens qui tiennent un rôle très important dans ces instants magiques. Une subtile nostalgie nous plonge dans une infinie tendresse lorsque Vonda enchaîne avec « Someday You Will Be Together », l’excellent titre de Diana Ross & The Supremes. La version de Vonda me trouble. Elle pousse ses cordes vocales à l’extrême, la performance me souffle. Vonda m’arrache le cœur tant son interprétation m’envahit. Je suis ébahi.

Alors que pendant plus d’une heure, Vonda donnait l’image d’une chanteuse bien sage et timide, soudain tout explose… Vonda se transforme. L’intensité du concert monte de plusieurs crans. Les solis de James impressionnent. Il joue de façon démoniaque. Vonda se laisse porter par l’émotion. Debout sur son piano, elle me renvoie à Jerry Lee Lewis. Les instrumentistes se lâchent. Sur certains solis, James pousse le public en transe. Cette femme se révèle extraordinaire sur scène. Nous n’en sommes pas encore au rappel que ce concert vient de prendre une toute nouvelle dimension.

Sur toute la tournée, Vonda a chanté entre quinze et dix-huit chansons, avec un seul rappel, la magie de la ville des amoureux va transformer les choses : à Paris, nous avons eu droit à vingt-trois titres avec deux rappels. Avec le premier, la folie gagne l’assemblée. Vonda abandonne son instrument et attrape un tambourin puis nous rejoint sur le devant de la scène. Vonda danse. Vonda chante. Vonda s’éclate. Elle offre un concert à émotions. Elle explique pour ceux qui ont envie d’effectuer une demande en mariage à leur conjoint, c’est le moment. Mince, c’est déjà fait, si j’avais su. Vient le moment de la superbe chanson acoustique de The Springfields, « I Only Want To Be With You »… dans une version plus musclée. Quel pied.

Pour un second rappel dantesque, vient la dernière chanson. Vonda Shepard nous offre la sublime « Chains Of Fool » de Carole King, quelle claque… ! Même le solo de guitare parvient d’un autre monde. Finir un concert sur une telle note majestueuse avec un titre aussi exceptionnel me comble. Vonda Shepard nous démontre avec sa prestation toute l’étendue de son talent vocal. Cette reprise, ce sera le cadeau de ma soirée. La voix pure et si fragile de Vonda Shepard qui une fois poussée donne un frisson monumental comme celle que Carole m’a toujours donné. Mes larmes se sont échappées dès la première mesure. Depuis Aretha Franklin interprétant admirablement du Carole King avec « (You Make Me Fell) Like A Natural Women », je dois bien avouer qu’aucune autre interprète ne m’avait autant impressionné sur une reprise de mon idole. Jamais.

À l’image de cette superbe blonde américaine, et pour finir en beauté, Vonda donne rendez-vous à ses fans au Stand Merchandising pour une séance de signatures. Agréable de voir que Vonda respecte autant ses fans français, surtout après les épreuves qu’elle a dû affronter à cause des « Gilets Jaunes ». Décidément, Vonda Shepard n’est pas, et ne sera jamais une artiste comme les autres.
Live Report : Carlos Sancho, images : Alex Mitram & Carlos Sancho

Merci beaucoup à Sabrina et tout le staff de Veryshow et le Flow.