The Dire Straits Experience, le 19 mars 2019 à l’Olympia.

Comment faire du neuf avec du vieux sans tomber dans le ridicule. En une soirée, j’ai pris conscience que le temps n’a d’aucune façon flétri le répertoire de Dire Straits. Un combo dissout, il y a déjà plus de 25 ans et une réunion de musiciens talentueux viennent faire revivre des chansons qui auraient pu tomber aux oubliettes. Il suffit d’écouter ces musiciens hors norme pour se convaincre aisément du contraire. En une seule chanson, la première de la soirée, « Telegraph Road », et ses douze minutes de plaisir, mes souvenirs de l’époque bénie où les frères Knopfler, Mark et David, enchaînaient les concerts sont revenus comme un Boomerang ! Ce 19 mars 2019 restera une étonnante soirée pour mes retrouvailles avec mon adolescence. Une partie de ma jeunesse revient à la surface, comme The Dire Straits Experience le qualifie : « Des frissons dans le noir… Et ce dans l’idée de ramener à la vie, la musique de l’un des groupes les plus créatifs et uniques de la musique Rock. »

Ce projet est né, grâce à d’anciens membres de Dire Straits, Alan Clarke, Chris White et Phil Palmer. Ils ont tout d’abord formé The Straits pour un spectacle de charité au Royal Albert Hall en 2011. Alors que le prolifique Mark Knopfler menait sa carrière solo merveilleusement réussie, Alan Clarke fait appel à l’auteur-compositeur interprète : Terence Reis pour qu’il apparaisse devant le groupe en son absence. The Straits, une nouvelle histoire est née. A la fin de The Straits, trois ans et demi plus tard, le groupe avait présenté 150 spectacles dans 25 pays du monde entier. Avec des millions de fans à travers le monde et un Mark qui boude de plus en plus ses anciennes compositions, une si belle aventure d’un légitime groupe de « Covers » ne pouvait s’arrêter là. Le couvert a été remis, et le saxophoniste a eu raison pour le plus grand bonheur de tous. Chris White s’explique,« J’ai vraiment été étonné et, franchement ému par la réaction des fans après avoir entendu ces chansons à nouveaux. Dire Straits a la base de fans la plus incroyablement fidèle. Ce fut un plaisir de renouer avec des gens que j’avais vus en 1992 et de les voir tirer toujours autant de cette musique. C’est également fantastique de se faire de nouveaux amis parmi les nombreux jeunes qui découvrent maintenant Mark et Dire Straits. Tant de gens veulent encore faire l’expérience de cette vie. »


Dans son nouveau Line-Up, ce groupe de reprises de Dire Straits, ayant joué la première fois les morceaux de Mark Knopfler le 30 septembre 2014 en Nouvelle Zélande, arrive aujourd’hui sur la scène mythique de l’Olympia à 20 heures 52 et ne la quitte qu’à 23 heures 12. Au total, un voyage dans le temps de 2 heures 20 dans un univers feutré venant bercer mes années d’adolescent. Quel pied pour ce fan de Dire Straits que j’étais ! Et que dire de cette version magistrale de « Sultans Of Swing ». Ce titre exceptionnel sorti en 1979, il y a déjà 40 ans et qui à l’Olympia a duré plus de treize minutes… « Phénoménaaaal ». Il n’y a vraiment pas d’autres mots… La salle jubile, debout et n’en revient pas de la performance de ces musiciens anonymes et pourtant qui mériteraient une véritable reconnaissance. Je suis époustouflé par ce concert pendant lequel je m’attendais à m’ennuyer quelque peu… En 18 titres majeurs du groupe anglais, The Dire Straits Experience a livré une prestation aussi incroyable que la bande à Mark Knopfler aurait pu accomplir aujourd’hui.

N’oublions pas ce qui se passe sur la scène de l’Olympia, Mark Knopfler n’est pas avec nous ce soir à Paris. Les chansons défilent et j’ai pourtant la subtile sensation de me retrouver à un concert de Dire Straits, pas à un combo de reprises. J’ai vu presque une dizaine de fois Mark Knopfler et j’avoue que ce soir, je suis troublé par ce que j’entends. Je ferme les yeux et j’y crois… Le génialissime « Telegraph Road », le sublime « Romeo et Juliette », le puissant « Tunnel Of Love », l’envoûtant « Private Investigations », l’énergique « Two Young Lovers », le captivant « On Every Street », le gigantesque « Brothers In Arms », sans parler du phénoménal « Sultans Of Swing » demeurent autant de titres qui m’ont fait chavirer dans les années 80 et 90 et me transportent… Encore ! N’étant à la base pas très fan des groupes de reprises, ces chefs d’œuvre qui m’ont tant ému, je les attendais tellement au tournant. La gifle ! Ce combo m’éclate. Les chansons s’avèrent admirablement jouées. Les interprétations restent conformes et en prime possèdent un petit je ne sais quoi qui fait qu’elles ne sont pas juste exécutées par des singes savants. Le chanteur se révèle incroyable.


Il faut bien avouer que la particularité de ce groupe de « Covers » le distingue de tous les autres. Alors que la plus grande majorité des groupes de reprises n’est essentiellement constituée que de musiciens fans, The Dire Straits Experience, lui, s’est formé autour de Chris White, un ancien membre de Dire Straits lorsque ce dernier fut à l’apogée de sa popularité. Une véritable complicité s’est installée entre les musiciens. Chris a été longtemps le saxophoniste de Mark Knopfler sur les albums « Brothers In Arms » et « On Every Street », sur les deux dernières tournées et le DVD de la dernière, « On The Night » ainsi qu’au Live Aid et au concert en l’honneur de Nelson Mandela, en 1988. Chris White conserve toujours des contacts très étroits avec le Leader de Dire Straits puisqu’il a même été rappelé afin de jouer sur deux albums solo du Maestro Knopfler. Mais, dans l’univers impitoyable de l’industrie de la musique, de la carrière solo de Mark Knopfler à The Dire Straits Experience, il peut y avoir un fossé énorme… Mais le destin s’en est mêlé pour le meilleur de la musique… Il a suffit de trouver la pépite, celle qui allait tout faire basculer. Sans la présence de l’extraordinaire Terence Reis, chanteur étonnant et guitariste émérite, ce projet de reprises n’aurait jamais pu aboutir. La preuve, Chris dira de Terence, « Je pense que nous avons trouvé la seule personne sur la planète capable de jouer et chanter comme Mark, tout en maintenant sa propre intégrité et identité. Je pense que c’est l’essence même de la raison pour laquelle les fans ont si bien accepté ce que nous faisons. Ils croient en Terence comme son propre homme. Ils savent qu’il n’essaie pas à être Mark. En raison de son respect pour Mark, Terence est capable d’interpréter ces chansons de manière très honnête, ce qui permet à son énergie et à son talent de s’exprimer. C’est exactement ce qui permet aux performances de se sentir vivantes et fraîches. Pas de copies esclaves d’une époque révolue. Sans Terence, cela ne fonctionnerait pas, tout simplement. Et ainsi, ces chansons, dans toute leur ambition, leur grandeur et leur beauté douloureuse, sont à nouveau présentées en direct pour les fans qui les ont maintenues en vie. » C’est vrai, la ressemblance, sans tomber dans le mimétisme, se révèle incroyable. Sa voix et son jeu de guitare s’avèrent si parfait de ressemblance que l’on s’y tromperait presque. Une authenticité à l’originale ahurissante. En assistant à un tel spectacle, j’ai voulu comprendre comment un tel groupe de reprises peut me donner autant de frissons, de larmes et d’émotions diverses… ? J’ai donc replongé dans l’univers de The Dire Straits Experience… A commencer par ce chanteur extra terrestre qui me tétanise comme rarement je ne l’ai été.


Ce résident du monde, Terence, ne pouvait espérer une plus belle carrière que celle de suivre les traces de son mentor, Mark Knopfler. Avec son timbre de voix si reconnaissable, Terence aurait eu du mal à s’inscrire dans un autre répertoire sans que nous, les médias, ne lui en fassions le reproche… Sa plus grande décision fut bien de quitter la côte est de l’Afrique pour émigrer à Canterburry afin de s’octroyer une année sabbatique. Une période qu’il allait consacrer pour former Waterhorse, un projet qui le mènerait directement à rencontrer Chris White. Cette rencontre changera à jamais la vie de ces deux artistes et apportera du bonheur à tant de fans de Dire Straits.

Très vite, ce duo s’est adjoint les services d’autres musiciens professionnels et hyper talentueux, tous issus de la Royal Academy Of Music. Enfin, tous sauf le bassiste : Paul Geary, qui ne rejoint The Dire Straits Experience qu’en 2015, grâce à un CV impressionnant (Ian Kershaw, Lisa Stansfield, George Michael, Simply Red, Chris Rea, Mary J. Blige, …) Paul devient diplômé avec mention de la prestigieuse Berklee College Of Music à Boston, enseigne la basse à l’Academy Of Contemporary Music de Londres et donne des conférences partout dans le monde ! Un monstre. Et les autres musiciens n’ont pas à rougir devant un tel parcours. Chacun possède une expérience hors norme. Au final, pour The Dire Straits Experience, ne se sont réunis autour de ce prodigieux projet que des pointures s’il vous plaît… Autant dire, que tous ces excellents musiciens qui n’ont aucune maison de disques au monde n’ont pas besoin de jouer la musique des autres pour gagner leur vie. Indépendants financièrement, ils se réunissent comme le dit Terence à l’Olympia « Nous ne sommes ensemble que parce que vous nous le demandez et que nous aimons vous faire plaisir en nous amusant à interpréter la musique que l’on aime. » Voilà, ça c’est dit ! Une fois ces fabuleux musiciens enfin réunis, le plus dur reste à faire. Un gros travail les attend. Énorme même. Restituer l’émotion et la perfection de la musique de Mark Knopfler n’est pas donné à tout le monde… J’en sais quelque chose… Jouant dans différents groupes, je n’ai jamais réussi à faire sonner correctement la musique de Dire Straits. Ce groupe possède une âme, une rythmique et une qualité mélodique incomparables…

Si les groupes de « Covers » pullulent depuis quelques années, je dois bien admettre que peu m’ont véritablement convaincu. Excepté The Australian Pink Floyd qui a trouvé grâce à mes yeux. Mais là, les frontières ont quelque peu bougées… Dès le début, avec The Dire Straits Expérience, la magie opère. La musique frissonne en nous. Les musiciens nous captivent sans jamais nous laisser nous échapper vers la réalité : ce ne sont pas les musiciens de Dire Straits… Le 19 mars 2019 à l’Olympia, il s’est passé incontestablement quelque chose. En ressortant ce cette expérience, je me dis que le meilleur moyen de voir si je ne rêve pas est que je retourne le 19 novembre prochain à La Seine Musicale pour reprendre une seconde claque bien méritée. Une claque musicale qui sera administrée pour mon plus grand bien. Alors, une mention spéciale à toi Gérard, l’heureux producteur des deux plus grands groupes de « Covers » au monde… Mais que serait ma culture musicale alors sans les apports de Gérard Drout Productions ? Merci Gérard de remettre en questions mes certitudes et mes connaissances… A bientôt alors On The Road… !
Texte & images Live : Carlos Sancho



La Setlist : The Dire Straits Experience
Telegraph Road
Walk Of Life
Romeo And Juliet
Tunnel Of Love
Your Latest Trick
The Man’s Too Strong
Private Investigations
Once Upon A Time In The West
Industrial Disease
Two Young Lovers
On Every Street
Brothers In Arms
Sultans Of Swing

Encore :
Money For Nothing
Going Home: Theme From Local Hero (Mark Knopfler Cover)