Rockin’ The Blues
à Paris, La Cigale, le 26 mai 2019.
Soirée Blues-Rock à La Cigale organisée par le Label Provogue/Mascot, celui-là même qui a signé Joe Bonamassa, Black Stone Cherry, Monster Truck, Kenny Wayne Shepherd, etc. Et quasiment tous les meilleurs artistes du genre en activité. Ce soir on va avoir droit à 3 des plus beaux fleurons de son catalogue : Kris Barras, Walter Trout et Jonny Lang. Pas grand monde malheureusement pour assister à ce grand moment sans doute à cause du prix des places très élevé et du foisonnement de concerts de Blues en ce printemps 2019 !


C’est le Kris Barras Band qui a le privilège de lancer les hostilités avec un Set d’une petite demie-heure pour convaincre ceux qui ne le connaissent pas encore. Ce retraité des arts martiaux de nationalité britannique s’est reconverti dans le Blues et c’est son père, musicien lui aussi, qui lui avait mis le pied à l’étrier dès son plus jeune âge… Il a ainsi eu sa première guitare à 6 ans et jouait dans le Tribute Band de son paternel à 9 ans avant de choisir le Free-Fight suite à quelques déconvenues financières puis de finalement revenir récemment à son amour pour le Blues et le Rock. Kris s’occupe du chant et de la guitare et joue en quartet avec un clavier et sa section rythmique. Il a 2 albums à son actif mais va nous interpréter 5 extraits de son dernier opus « The Divine And Dirty » sorti l’année précédente. Le morceau qui fera la plus forte impression c’est ce « Hail Mary » qui a obtenu un certain succès en radio et qui est effectivement très efficace sur scène. Il y aura aussi un hommage émouvant à son père, mort trop tôt et trop jeune pour avoir vu son fils sur scène dans sa nouvelle carrière solo, avec l’excellente ballade « Watching Over Me ». Et puis une reprise, à mon sens dispensable pour un Set aussi court, du « Rock ‘n’ Roll » de Led Zep, histoire de gagner plus facilement le respect des seniors venus nombreux à La Cigale. J’espère que Kris reviendra chez nous sous sa propre bannière dans un proche avenir pour un Set digne de ce nom car là ça avait un goût de trop peu !


C’est maintenant au tour de Mr Walter Trout de s’emparer de la scène. Walter je l’ai déjà vu à plusieurs reprises et je suis, je l’avoue, un fan inconditionnel ! Il y a 30 ans, en 1986, je l’avais découvert avec John Mayall au Forum des Halles pour un moment inoubliable en « première partie » d’un groupe français disparu aujourd’hui Cyclope ! Il faut savoir que Walter a fait longuement partie des Heartbreakers du parrain du Blues anglais mais aussi de Canned Heat dans les années 80 et il a joué aussi avec John Lee Hooker, excusez du peu… Je l’ai revu en solo en 1992 en 1ère partie de Rory Gallagher et de Johnny Copeland à la célèbre Biskuithalle de Bonn et ce concert restera pour toujours dans ma mémoire. La dernière fois c’était à l’Olympia en 2011 avec Popa Chubby pour le Giants Of Blues Rock Tour. Je me rappelle que déjà à l’époque, Walter avait fini son Set en larmes devant le public parisien, très ému par son accueil chaleureux. Entre temps il a eu de graves problèmes avec son foie sans doute dus à ses années d’alcoolisme et il a dû subir une transplantation en 2014 après avoir maigri de 60 kilos, eu des dommages au cerveau et perdu totalement la parole et ses capacités de guitariste… Il lui a donc fallu tout réapprendre de zéro. Cette transplantation date précisément de 5 ans le soir du passage à Paris et on sent bien que cet anniversaire est terriblement émouvant et douloureux pour Walter qui nous racontera son parcours de survivant du Blues avec beaucoup de larmes… C’est d’ailleurs de survie qu’il est question dans son dernier album, le bien nommé « Survivor Blues » pour lequel notre Bluesman américain a recherché des morceaux quelque peu « oubliés » de l’histoire de la « musique du diable » ! Pour la Setlist de ce soir, il va d’ailleurs largement piocher dans cet opus avec notamment des brûlots comme : « Me, My Guitar & The Blues » de Jimmie Dawkins ou « Sadie » de Hound Dog Taylor. Il y aura aussi le superbe « Almost Gone » de l’album de la résurrection « Battle Scars » de 2015. Il rendra aussi un hommage appuyé à Rory avec un « Bullfrog Blues » de derrière les fagots. Il est à noter d’ailleurs que ce classique est aussi un clin d’œil à ses anciens collègues de Canned Heat puisque ces vétérans l’avaient remis au goût du jour en 1967 à partir de l’original qui date quand même des années 20… En une heure, Mr Trout a mis tout le monde d’accord avec son Blues certes traditionnel mais bourré de Feeling et d’émotion et il quittera la scène toujours en larmes mais visiblement très heureux de ce retour à Paris, ville qu’il aime tant !


Avec Jonny Lang on passe à un style plus Rock que Blues, du moins c’est comme ça que je l’ai toujours perçu ! Je l’avais découvert à ses débuts, en 1997, alors qu’il avait à peine 16 ans et qu’il nous avait beaucoup impressionnés au New Morning. Je l’ai revu l’année suivante à l’Elysée Montmartre puis en 1999 au Grand Rex, ce qui prouve qu’en peu de temps cet artiste américain a connu une ascension fulgurante. Cela fait donc 20 ans que je ne l’avais pas revu sur scène… Il semble qu’entre temps il ait connu quelques déboires avec les substances illicites mais il est revenu très fort en 2017 avec l’album « Signs ». C’est malgré tout avec un extrait de l’album « Turn Around » de 2006 : « Don’t Stop (For Anything) » que Jonny débute son Set. On sent qu’il a la gnaque et que son groupe est en force derrière lui… La guitare est tranchante et Jonny vit toujours autant sa musique jusque dans ses mimiques scéniques ! On enchaîne avec le titre éponyme de son dernier album, un morceau très Soul que ne renierait pas Glenn Hughes et pour lequel Jonny pousse sa voix dans les aiguës. Retour ensuite à l’album par lequel tout a commencé en 97 « Lie To Me » avec le très langoureux « A Quitter Never Wins », une reprise de Tinsley Ellis, magnifique version avec un solo tout en finesse. Avec le récent « Snakes », le son se veut plus ZZTopien et ce Boogie s’avère taillé pour la scène. « Still Rainin’ » nous ramène plus de 20 ans en arrière à l’album : « Wander This World » et là encore l’alliance claviers/guitare fonctionne à merveille. C’est maintenant l’heure de la ballade qui tue avec « Bring Me Back Home », un moment de grâce musicale qui ne laisse pas indifférente la gent féminine… Ça repart façon Jazz avec l’excellent « Rack ‘Em Up » qui permet aux musiciens de faire la preuve de leur talent respectif grâce à des soli de haute tenue. On ne peut pas reprocher à Jonny de s’enfermer dans un style puisqu’on passe allègrement du Blues au Rock puis au Jazz en passant par la ballade… « Angel Of Mercy » qui arrive maintenant est un Blues à la Clapton ou Bonamassa avec une prestation vocale et guitaristique de Mr Lang totalement stupéfiante. L’album : « Wander This World » est décidément bien représenté puisqu’on retrouve « Breakin’ Me », encore un morceau mid-tempo bourré de Feeling… Mais le morceau que tout le monde attend c’est le mythique : « Lie To Me » des débuts, introduit à l’acoustique avant de décoller à l’électrique pour une version mémorable devant un public médusé !

Jonny et son groupe quittent ensuite brièvement la scène avant de revenir avec Walter et Kris pour l’incontournable Jam. C’est d’abord B.B.King qui est à l’honneur avec un « Gambler’s Blues » qui permet au trio vedette de briller dans des soli enflammés. Ensuite ce sera le « Going Down » de Freddie King qui sera revisité pour une apothéose de guitares qui laisse tout le monde pantois devant tant de talents réunis…

Très belle soirée Blues à La Cigale donc et on espère que la prochaine tournée Rockin’ The Blues repassera par Paris l’année prochaine avec d’autres Bluesmen de cette qualité… Mais pour ça on peut faire confiance à Provogue/Mascot qui sait signer les meilleurs du genre !
Live Report : Olivier Carle, images : Fred Erick-Purksi


Merci à Fred Erick-Purksi, Roger, Olivier et à Dom Kiris pour la présentation chaleureuse et documentée…