Un duo au grand cru Rock de la région de Bordeaux, ça existe. Il s’agit de Yvard. Créé en 2016 par son chanteur et guitariste Leader David Thurisaz, le bassiste technicien électro Chris Yera le rejoint très vite pour diffuser un Rock envoûtant aux paroles intenses et poignantes. Un premier EP « Vue d’ici » sort en 2016, puis un second « Enraciné » en 2021 qui dévoile des morceaux phares aux sujets sensibles comme l’immigration. C’est « O Marianne » qui permet au groupe de devenir encore plus grand, plus populaire tant en France, qu’en Europe et en Amérique du nord.

Le duo électrisant a su créer une véritable alchimie alliant ses atouts paroliers prégnants et ses techniques musicales aux riffs acérés. TvRockLive.com vous livre une interview inédite.

Par Martine Varago

TvRockLive.com : Un Rock qui respirera la langue de Molière, en voilà une expression qui en dit long ! Comment t’es-tu inspiré de musique et de poésie ? Quelles sont les influences du groupe ?
David Thurisaz : Principalement Noir Désir, Damien Saez, Alain Bashung, Serge Gainsbourg… Ces chanteurs d’antan que j’aime encore écouter.

TvRockLive.com : Certaines influences Punk Rock aussi !
David Thurisaz : C’est vrai. Je suis originaire de la Bretagne et j’ai beaucoup baroudé dans les nuits nantaises et lorientaises. A cette époque-là, j’ai été influencé par les Béruriers, Mano solo, les Garçons Bouchers : c’est vraiment mes inspirations d’adolescent !

TvRockLive.com : Les Bérus il y a 40 ans ! Tu n’écoutais pas les Bérus au biberon !
David Thurisaz : Non, pas encore !!! (Rires)

TvRockLive.com : Donc, cette découverte s’est faite au sein de la famille ?
David Thurisaz : Ouais, voilà. Surtout par le biais de mon Papa et de l’un de mes Oncles qui était guitariste. C’est eux qui m’ont insufflé tout ça et après j’ai approfondi ma recherche musicale. En fait, c’est venu tout seul. Je ne me suis pas forcé à aimer un genre. J’ai juste apprécié ce qui se faisait à l’époque. Aujourd’hui j’essaie de redonner du regain à cet univers à ma sauce bien évidemment.

TvRockLive.com : Pourquoi le nom d’Yvard comme groupe de Rock français ?
David Thurisaz : Le nom d’Yvard a trois symboliques qui me tiennent à cœur. La première c’est le diminutif de mon vrai nom de famille. La seconde provient de la Nouvelle-Calédonie. J’ai pas mal baroudé à travers le monde et il y a quelques années j’ai rencontré un super Monsieur en Nouvelle-Calédonie. Il s’appelait Yvard et il touchait à tout. On s’est beaucoup apprivoisés l’un et l’autre. On discutait beaucoup de cuisine, de pêche, de musique, autrement de la vie. Et la troisième vient du monde Viking. De par mes origines bretonnes, j’ai toujours aimé le monde Viking et en faisant des recherches je suis tombé sur le nom d’un grand chef Viking qui s’appelait Yvard.

Du coup, les trois mêlés ensemble cela crée quelque chose de sympa. Comble de l’ironie ! On a pioché dans l’alphabet runique propre aux Vikings des noms de scène : David Furisaz et Chris Yera. Furizath, c’est un géant, et comme en fait je suis très grand, ça me convenait bien. On s’est trouvé des noms comme ça et tout restait coordonné ! (Rires)

Notre sigle représente le Valknut, les trois triangles entrelacés : le passé, le présent et le futur.


TvRockLive.com : Un savoir-faire technique pour la musique : comment vient l’inspiration ? Quels moments privilégiez-vous pour créer ?
David Thurisaz : Justement il n’y a pas de moments pour ça. J’écris mes textes en 10 minutes, un quart d’heure sous l’inspiration. En même temps, je prends ma guitare, mon piano, mes synthés, mes effets, ma basse quand je compose. Ça vient à l’instinct, les mots et les phrases commencent à s’écrire sur la feuille. J’ai la musique déjà en tête. C’est assez simple. Quand je vois Kris je lui propose ce que j’ai fait. Pour l’instant il a toujours acté et apprécié. Quant à lui, il a apporté son univers Electro Dark, ce qui a permis une belle conjugaison de nos deux mondes. Tout ce qui est création musicale ça se fait dans mon studio.

TvRockLive.com : Et pour les paroles que l’on sent sortir des tripes : quelles sont tes inspirations ?
David Thurisaz : Tous mes textes sont des histoires vraies, des événements qui m’ont marqué dans la vie. Je suis un écorché, je n’ai pas eu la vie très facile. C’est par rapport à ça que j’arrive à m’inspirer de beaucoup de choses. Pour moi, c’est simple de poser des mots sur des faits très tristes. J’ai du mal à donner du soleil dans mes chansons.

TvRockLive.com : Tes chansons relatent du vécu. Quelle est ta chanson préférée ?
David Thurisaz : Je n’ai pas de chanson préférée, non pas que cela délaisserait les autres mais chacune a son identité particulière. Le but pour moi n’est pas forcément d’en préférer une plus qu’une autre. Pour ceux qui nous écoutent, certains peuvent s’assimiler à cette chanson, d’autres à une autre. Et c’est ce que je trouve très agréable dans ce que l’on fait. On ne fait pas qu’une chanson mais plusieurs. L’album va bientôt sortir en plus avec cinq chansons supplémentaires, donc les gens vont aussi se retrouver dedans. « O Marianne » c’est sur la crise migratoire. C’est une situation qui m’a beaucoup impacté. Lorsque j’étais sur Mayotte, j’ai vu le drame des Kwassas Kwassas (canots de pêche des Comoriens) avec les Anjouanais qui essayaient de rejoindre Mayotte qui passait en département d’Outre-mer français. En parallèle, quand je suis rentré en France, c’était le printemps arabe (2011). J’ai été touché par tout ça. « Le temps est assassin » c’est une histoire de famille, de mes parents principalement. Avec les années qui passent on fait des choses, puis la routine s’installe et on perd beaucoup de choses. « Ramène-moi » c’est sur le suicide : un homme demande à sa femme « Ramène-moi à la vie ! », « Le roi s’endort », c’est suite au mouvement des gilets jaunes. Il y a tellement de choses à raconter. Il est très important que la musique puisse être universelle dans le sens où je pose dans mes chansons la thèse et l’anti-thèse pour que les gens se fassent eux-mêmes une réflexion sur cette chanson et sur ce qui se passe.

En définitif, on n’invente rien. On montre des images, on met des mots sur ces images ou sur ces mots on ajoute des images comme « O Marianne » par exemple. Ça peut interpeller mais je peux comprendre que des gens ne soient pas affectés par tout ça mais tout est fait dans nos chansons pour que les gens puissent s’interroger. Il y a un bon tempo, il y a un bon texte : les deux doivent susciter l’interrogation, la curiosité et la réflexion. C’est aussi important de revendiquer des choses car le rock à l’eau de rose ce n’est pas pour nous, sans avoir forcément un trait ultra-droite ou ultra-gauche. Il faut que le texte soit posément bien écrit pour heurter la sensibilité sans la fragiliser ou l’assombrir.

TvRockLive.com : Un duo qui s’exporte bien partout en France, en Europe voire même jusqu’aux États-Unis, une bonne alchimie et de la créativité : à votre avis à quoi devez-vous votre succès ?
David Thurisaz : On travaille beaucoup, on passe beaucoup de nuits blanches et on veut redonner un sens au Rock français. Pour moi, le Rock français n’arrive pas à se mettre en avant comme la vague du rap actuelle. Dans le monde du rap, ils se créent une famille entre eux par opposition au rock français qui est très individualiste. Les gens ne s’échangent pas les contacts, ne se donnent pas les bons tuyaux ou les bons plans alors que c’est ce que font les Anglais. Les gens sont de plus en plus nombreux à venir nous voir et c’est très touchant ! On assume ce qu’on écrit et ce que l’on fait.

TvRockLive.com : Un album va bientôt sortir ? Quelques nouveaux titres inédits à dévoiler ?
David Thurisaz : En avant première pour TvRockLive.com, on a monté un clip « Kalachnikov », un morceau assez choc sur les armes qui sont vendues dans le monde et sur les conséquences tragiques mortelles dans des guerres ou au Bataclan. Quand je parle à ces enfants du Bataclan, morts sous les balles, ça prend aux tripes ! Ce clip va sortir d’ici la fin de l’année. Un autre morceau « Le silence du lendemain », c’est sur les femmes battues, un sujet d’actualité. Une autre prochaine sortie « Coming Out » traite du sujet de lesbiennes avec bienveillance. Une chanson de l’album sur la routine « Ennuis et si envies » avec des phrases chocs telles que « On meurt souvent à 40 ans d’une balle qu’on s’est tiré à 20 ans », des phrases qui m’interpellent, qui me bouleversent. En en parlant, j’ai les poils qui se hérissent ! Donc, un bel album qui arrive début 2022.

TvRockLive.com : Une tournée est prévue pour 2022 : peut-on connaître quelques dates et lieux ?
David Thurisaz : Dès la sortie de l’album, dans la foulée, on va partir dans toute la France et on va jouer en Belgique, en Allemagne, en Suisse. Un tour de France et frontalier pour présenter notre album qui sera à la hauteur de nos attentes. Ça fait du bien de jouer du Rock qui avait un peu disparu, selon certaines personnes… Ça fait chaud au cœur ! Sur Paris, on va avoir 10 à 15 dates ! On a décidé de se produire partout où les gens pourraient venir. On aime les côtés intimistes et la chaleur des petites salles qui crée quelque chose.