Hellfest 2022 : L’Envy d’être en vie…

Live Report : Carlos Sancho


Comme le disait Saint-Exupéry, On ne voit bien qu’avec le cœur… Pour vous parler de mon expérience du Hellfest cuvée 15e du nom, après l’excellent Live Report de mon ami et confrère Olivier Carle, j’ai eu envie de vous raconter ma plus grande claque, non seulement de cette 15e édition, mais plus généralement, la gifle de toutes mes participations au Hellfest. Une manière bien plus personnelle afin d’expliquer pourquoi ce festival se révèle non seulement incontournable, mais aussi un lieu magique. Dès le départ, je voulais évoquer le groupe qui m’avait le plus impressionné sur la cuvée 2022. Et je n’ai pas été déçu… Cette gigantesque tarte dans la gueule prise lors du premier Week-End fut la plus grande jamais reçue pour moi lors d’un festival, tout festival confondu ! Du coup, cette citation plus haut de Saint-Exupéry me semblait correspondre à la meilleure des entrées en matière que je pouvais imaginer afin d’évoquer mon ravissement d’avoir participé en juin 2022 à cette splendide fête en enfer…

C’est ainsi qu’un soir de juin, contre toute attente, je ne m’attendais pas une seconde à ressentir la moindre émotion captivante à m’en clouer irrationnellement le bec… Tout se passa si vite. Cette semonce émotionnelle avec Envy, un groupe originaire de Tokyo m’arriva sans prévenir de la scène de la Valley ! Comme quoi, ce Hellfest  reste un formidable lieu de découverte d’artistes aussi surprenants les uns que les autres et de toute provenance mondiale…  Ce combo de Screamo incorpore un style Post-Rock et revendique complètement leurs fortes influences au mouvement Post-Rock. Leur fusion musicale se trouve caractérisée par des changements abrupts de rythme et de morceaux vocaux à faibles volume et des passages de hurlement saisissants. Ce combo d’illuminés du soleil levant que je découvrais ainsi de façon si inopinée pour moi débarqua, à ce moment là, d’une planète non répertoriée ni à mes yeux, ni à mes oreilles. Je fus abasourdi de ce que je découvrais de si saisissant. Ce qui se passait devant moi parlait directement à mon âme. Avec la voix plus qu’envoûtante de Tetsuya Fukagawa, je me retrouvais propulsé sans ménagement dans un univers musical qui habituellement n’est absolument pas ma tasse de thé… Ce groupe nippon, dont j’ignorais vraiment totalement l’existence, n’est pourtant pas inconnu pour les véritables fans français. Ils ont leur fan base bien établie dans l’Hexagone. Et pour cause, Envy sévit depuis 1992 et visite la terre de Molière dès qu’il en a l’opportunité. Les metalleux français ne s’y trompent pas en accueillant dès qu’ils le peuvent la légende incontournable du Screamo. C’est d’ailleurs l’un des rares Shows du premier Week-End que Ben Barbaud ne voulait pas rater… Les fans français les ont applaudis plusieurs fois sur nos terres depuis 2005. Des différentes salles parisiennes aux différents festivals de Metal, ce combo nippon, composé de musiciens plus qu’extraordinaires, Envy devient un habitué du Hellfest, après avoir enflammé en son temps le FuryFest, l’ancêtre du Hellfest. Eh oui, ces Japonais se sont produits au Furyfest en 2005. Dès lors, toujours sous l’impulsion de Ben Barbaud qui les invita très régulièrement au Hellfest, en Loire-Atlantique. Les Japonais y sont venus quatre fois : les 22 juin 2008, 19 juin 2015, 22 juin 2019, puis le 18 juin 2022. Pour cette dernière représentation, celle où j’ai eu le bonheur de les découvrir véritablement par hasard, les musiciens jouèrent cette fois en tête d’affiche, de 23 heures 45 à 1 h 45 du matin ! Heureusement cette année, j’ai pu avoir le bonheur de découvrir ce moment aussi sublime… !

Parfois, la chance et/ou un instinct deviennent la meilleure des conseillères… Alors que je me trouvais dans la zone VIP, attendant patiemment l’heure de rejoindre la Mainstage afin d’assister au nouveau Show de Volbeat, l’évidence Envy s’imposa à moi. Le moment fatidique approchait, je décidais enfin de sortir de la zone VIP pour aller recharger mon verre d’une bière bien fraîche sur la zone des festivaliers. Je ne voulais absolument pas rater la prestation de Volbeat, l’un des mes groupes favoris de la journée. Allez, me voilà hors de l’espace VIP, direction le bar à bière.


La tente surnommée The Valley spécialisée musique Stoner se trouvant juste à la sortie de cette dite zone Média/Press, je passais comme d’habitude devant elle. Un trajet devenu habituel pour rejoindre les deux Mainstages, mes scènes favorites ! Sans raison particulière, pour la première fois, je m’arrêtais devant cette tente afin d’écouter une musique aérienne, atmosphérique et si harmonieuse. Tellement inhabituelle pour moi dans ce festival de Metal de référence. L’œuvre nippone captivante et si émotive que je découvrais de ces inconnus, m’éblouit malgré cette voix si dissonante et créa en moi une pulsion indomptable totalement inexplorée auparavant. En arrivant devant ces inconnus, et pourtant sans que je le susse, n’oublions pas qu’ils sont considérés comme des idoles reconnus du Post-Rock et Screamo dans le monde, Envy balançait une énergie et une ambiance qui me décontenancèrent littéralement. Je me retrouvais à cet instant totalement happé par des démons. Que dis-je : kidnappé. Pis, décomposé. Envy venait de débuter ‘’A War Room’’, une musique déroutante aux influences « Floydiennes » très Rock qui me terrassa. Ce titre éblouissant, à la musique exaltante, m’emporta dès les premières secondes avec une impossibilité absolue de quitter ce lieu pour lequel je n’avais prévu aucune halte. À ce moment là, je ressentis au plus profond de moi comme des âmes mortifères qui venaient survoler ce public ébahi sous cette tente médusée. La suite allait davantage me sonner. Me renverser. Me déconcerter. Je n’avais jamais vécu une telle explosion incontrôlable de sensations pendant un concert. Un spectacle aussi déchirant que ravageur à mes yeux et à mes oreilles surtout. Plus le titre évoluait, plus je me sentais totalement basculer vers la sensation de mort et la douleur qui se joue de la mort devant une situation artistique sublime qui me transportait. Seule début d’explication : Un savant mélange de musique aérienne éblouissante, aux teintes vocales très particulière, hurlant une douleur indescriptible et tellement poignante, le tout accompagné d’un jeu de lumière hypnotique. En à peine deux mesures, ce mix si parfait se révéla littéralement gracieux et ensorcelant. Un électrochoc archi  saisissant ! Un raz de marée émotionnel dans mes émotions les plus profondes et les plus intimes de mon existence. Cette effusion de souvenirs mélancoliques, pourtant si vigoureusement enfouis, était en train de resurgir instantanément. Envy vint claquer agressivement ma boîte à souvenirs délicate et précieusement protégée. Du moins, que je croyais.

Ce moment unique déstabilisa radicalement mes certitudes et bouscula toutes mes protections habilement fabriquées après autant d’années douloureuses dans ma vie personnelle. Je vivais avec Envy, et devant leur spectacle stupéfiant, un spectacle complètement inédit pour moi. Je me retrouvais d’un coup littéralement vulnérable face à une telle force mortifère insurmontable. J’avais l’impression de rêver ou de cauchemarder ? J’étais incapable même de réfléchir à cette douloureuse question… Je réalisais juste une seule chose : Avec Envy, je  sentais que j’étais en train de quitter cette terre angevine et comprenais que mon âme, comme mon cœur, poussaient pour quitter mon corps afin de s’envoler vers l’au-delà… Drôle d’expérience. Je me retrouvais complètement statique pendant que mes émotions au fond de mes tripes filaient à la vitesse d’un TGV avec ce que j’entendais, je voyais ce vers quoi ce groupe me renvoyait sans précaution. J’en tremble encore. Face à ce décor radicalement hypnotique, je me retrouvais dans un état second jamais atteint. Enfin presque, devrais-je avouer. J’ai ressentis cette même terrible sensation quelques années auparavant lorsque je me suis retrouvé sur la tombe de mon ex. Je vécus cet instant sur sa tombe comme à l’écoute de la musique de Envy, avec cette identique incapacité réelle de réaction, complètement tétanisé. Une situation déchirante et libératrice malgré tout. Aucun artiste auparavant ne m’avait détaché ainsi le cœur, et arraché à la vie terrienne afin de m’emporter vers des contrées où il ne pleut pas, excepté des larmes de verres comme le chantait Michel Polnareff, pour y rejoindre mon ex… Ce soir-là, face à Envy, je me retrouvais émotionnellement à genoux comme je fus allongé sur la tombe de Patricia lors de mes deux dernières visites sur sa sépulture… Jamais, même inopinément, un autre titre, à l’instar de ‘’A War Room’’, n’aurait probablement pu me ravager autant. Pourtant, avec certains répertoires de grandes Stars du Hard Rock, du Rock, de la Pop, voire de la variété ou de la Country, certaines chansons parviennent toujours, non sans mal, à m’extirper quelques chaudes larmes. Mais là, je venais de passer, voire trépasser spirituellement et intellectuellement, dans une autre dimension avec Envy ! Une performance ne faisant toutefois absolument pas partie du style de musique que j’aurai écouté naturellement de mon plein gré. Pis, je l’aurai même fui ! Pourtant, ce soir-là, Envy venait d’éveiller une incommensurable émotion jusque là inconnue, voire définitivement enterrée aux côtés de mon ex… Ce qui s’opérait en moi s’avérait unique. Sans aucune raison, avec ce sublime concert, instantanément, j’étais en train de quitter de mon plein gré la terre des vivants dans l’enfer Clissonnais afin de rejoindre celle d’un chaos qui continue encore à me hanter, sans que je me l’avoue. Cette musique me renvoie vers tous ceux qui au quotidien me manquent toujours autant… Grâce à Envy, je fus cependant radicalement subjugué par une telle sortie de ma zone de confort musicale, autant que personnelle. Une déroute que je n’aurais jamais imaginé vivre au Hellfest . Je n’en reviens pas d’avoir autant craqué pour cette excentrique voix hurlant ses douleurs en japonais et qui vient transpercer les miennes en français. Mais, putain, qu’est-ce que c’était bon…  Tellement exutoire et bénéfique ! Je n’en suis toujours pas revenu des conséquences que l’œuvre de Envy a engendré sur mon état philosophique et émotionnel ce soir-là ! Depuis lors, avec une écoute quotidienne et intensive de ‘’A War Room’’, je me sens comme si j’étais sous l’effet d’une puissante drogue qui me propulse vers le pays des défunts afin de retrouver ceux que je continuerai à jamais d’aimer.

Dès que je la réécoute cette chanson, je ne me sens plus moi-même. Enfin, ce que je croyais être moi-même probablement. Tout se transforme instantanément dans mon corps sans que je ne puisse y opposer la moindre résistance. Je le ressens indubitablement au fond de mes tripes. Cette sensation, tellement singulière et réparatrice, devient viscéral, alchimique. Je sens mon ventre réagir comme jamais il n’a réagi, à part sur la tombe de Patricia. Une chose se révèle certaine : ‘’A War Room’’ m’a définitivement porté grâce à cette voix de Tetsuya Fukagawa qui me promet de parler à mes amis, amours disparus…, m’extirpe immédiatement de la vie réelle parfois insignifiante. ‘’A War Room’’ me propulse inévitablement vers cet univers où je ne maîtrise plus rien. Mais alors, franchement aucune. Je m’abandonne à moi-même. Je cours vers mes disparus sans aucune réticence, tel un zombie avançant machinalement vers l’au-delà ! Je sais, ça peut sembler complètement dingue, absurde, irraisonné, c’est pourtant bien nettement ce que je ressens. Et j’y parviens en ne prenant aucune substance du tout. Ni drogue, ni alcool… C’est précisément pour ça que ce titre enivrant représente à ce point pour moi une magnifique thérapie libératrice. Jamais je n’aurai imaginé qu’une chanson en Screamo puisse me procurer un tel effet bienfaisant. Même si certains titres Mainstream m’ont offert de formidables voyages émotionnels, aucun ne m’a propulsé dans un tel Nirvâna. Finalement, avec ‘’A War Room’’, j’aime ce sentiment inexplicable où je me sens complètement dépossédé de moi-même et abandonné à une alchimie musicale m’envoyant directement sans passer par la case départ dans les plus profondes ténèbres personnelles. Dans ce moment-là, et contre toute attente, je me sens complètement vivant. Plus que je ne l’ai jamais été. Je me laisse transporter paisiblement dans ce monde des morts représenté si bien avec l’alternance de la voix de Tetsuya Fukagawa parfois claire et cristalline et de ses pointes hurlantes du Screamo. Une fusion si merveilleusement interprétée ! Ce goût subtil du sucre salé. Du Ying et du Yang. Du jour et de la nuit. De la vie et de la mort ! … Bref, quand je suis en présence de ‘’A War Room’’, je pleure de l’intérieur et je libère le poids que je n’ai jamais réussi à libérer, malgré toutes les séances avec mon Psy. Avec Envy, mon cœur d’un coup devient léger. Une renaissance pour moi avec cette somptueuse expérience que seul ce groupe japonais a su me procurer, après plus de 35 ans de métier dans l’univers de la musique. M’offrir un réel cadeau de vie ne peut que me rendre éternellement reconnaissant ! J’ai eu besoin de poursuivre seul cette thérapie personnelle…

Suite à ce Show du 18 juin 2022 de Envy au 15e Hellfest, je suis rentré chez le couple qui m’hébergeait. Pris de battements cardiaques incessants dans mon lit, je n’ai pu résister de vouloir retrouver quel était le titre qui avait réussi à me créer une telle sensation inespérée de bien-être pour récupérer ma sérénité d’antan. Via mon compte Amazon Music Unlimited, j’ai trouvé puis écouté tous les albums de Envy qui se trouvait disponibles. Lorsque j’ai enfin identifié le titre que je recherchais désespérément, j’ai passé cette chanson en boucle jusqu’à m’endormir paisiblement. De retour à Paris, même effets, rebelote. La chanson passe en boucle pour m’apaiser. Autour de moi, voyant mon addiction à ce titre, mes proches ont compris à quel point ces Japonais venaient de bouleverser mon été 2022. Mon fils en première ligne.

C’est là, lors d’une discussion concernant mon anniversaire, qu’il a décidé de m’accompagner le jeudi 20 octobre prochain au Trabendo pour le futur concert parisien de Envy. Pour mon anniversaire, il a décidé de m’offrir le billet pour ma prochaine messe mortifère dont j’éprouvais le besoin afin de me sentir mieux ! Il a compris la nouvelle histoire d’Amour qui venait de naître entre Envy et moi… Avec eux, je ressens et retrouve définitivement l’envie d’avoir Envy… !

Me voilà enfin arrivé à la fin de mon Live Report, certes très impudique diront certains, mais tellement libérateur pour moi, et que j’avais envie de partager avec vous, tant avoir participé à la 15e édition du Hellfest fut un honneur pour moi. Je n’ai plus qu’à patienter pour la prochaine édition, celle du 16 au 18 juin 2023. Une 16e plus qu’attendue par toute cette famille de métalleux qui constitue une véritable famille d’amoureux de la même expérience que le Hellfest nous procure à tous. Chaque année, c’est une nouvelle épreuve bénéfique grâce à une nouvelle programmation qui en ravira plus d’un. C’est certain… Mais comment procéder pour faire mieux lors de la 16e édition ? Nul doute qu’en la matière ma confiance envers Ben Barbaud  s’avère totale. J’ai une assurance et une impatience sans borne en son aptitude à toujours se dépasser et à tous nous contenter… Plus qu’à attendre quelques semaines pour se ruer vers la billetterie. Allez, à très vite. We Keep In Touch!


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