Patrick Hampartzoumian
Interview Exclusive & images par : Carlos Sancho


Sur scène, Patrick Hampartzoumian a accompagné deux des plus grands artistes français, atypiques et aux cœurs humanistes, Florent Pagny et Patrick Fiori. Cette fois, c’est au côté de Patrick Fiori, à compter du 9 novembre 2024, à Martigues, pour la deuxième partie de la tournée Le chant est libre, qui se poursuivra jusqu’en début 2025, que Patrick Hampartzoumian, revient battre le cœur des fans de Fiori !


Après une reconnaissance professionnelle bien méritée, Patrick Hampartzoumian enchaîne avec Tina Arena, notamment pour les Olympia de Tina et Palais des Sports. Fort de ses expériences scéniques réussies, Patrick devient très vite un incontournable du paysage musical français. Il collabore sur de plus en plus de projets différents… Comme compositeur, auteur, ou réalisateur.

Pendant des années, ce bourreau de travail œuvre sur les très gros projets nationaux. Patrick apporte assez rapidement son expertise et son talent à de véritables pointures francophones comme : Garou, Mireille Mathieu, Ève Angeli, Julie Zenatti, Yannick Noah, Michel Sardou, Roch Voisine, comme sur un Single pour Isabelle Boulay. Avide d’expériences, le marseillais, toujours aussi insatiable décide d’ajouter une corde de plus à son arc. Un équipement déjà bien pourvu. Il se teste à une nouvelle expérience, mixeur pendant 20 ans pour ‘’Les Enfoirés’’. Comme si cela ne lui suffisait pas, sa fringale ne cesse pas, Patrick Hampartzoumian collabore comme coréalisateur sur toutes les compositions de Jean-Jacques Goldman offertes à Patrick Fiori. Et, il en existe une flopée. Il s’avère amusant de constater que Jean-Jacques a placé moins de chansons pour Céline Dion que pour Patrick Fiori : 24 au total au profit du français. Patrick Hampartzoumian, le chanceux, en réalise 22 sur les 24. Joli exploit. Son ascension se révèle remarquable.

Alors, pour finir en beauté avec ces collaborations prestigieuses, liste non exhaustive, un parcours plutôt prodigieux, Patrick l’amène au climax de son CV. Il va même en faire des jaloux. Ses Master Pieces, il les obtient grâce à Jacques Vénéruso, son compère depuis ses débuts avec Florent Pagny. Réalisateur à succès pour une telle armada d’artistes français, Patrick se retrouve propulsé à la coréalisation de trois, ou quatre, albums de Céline Dion. Et comme son appétit d’expériences n’a pas de limite, son ascension n’ayant pas de frontière. Patrick s’essaye à l’international. Dans les années 2000, il sera employé par le trio féminin, Bananarama. Mais jusqu’où ira-t-il ? Demandons-le-lui.

TvRockLive.com : Trente ans de fidélité professionnelle avec Patrick Fiori. Comment arrive-t-on à avoir une aussi grande longévité avec une telle Star de la variété française ?
Patrick : Avec un artiste de cette notoriété, c’est effectivement compliqué. Notre relation a depuis évolué. Patrick est depuis devenu un ami. C’est grâce à cette évolution que tout cela a pu devenir possible. En nous pratiquant, nous avons réalisé que nous partagions beaucoup d’affinités, de points communs, et même que nous étions compatibles sur énormément de sujets, et pas uniquement sur la musique. Humainement, nous avons les mêmes valeurs et idées. Ce sont donc toutes ces choses qui ont permis à notre relation musicale de se nourrir et de la faire évoluer vers un lien plus humain. Au final, avec le temps, notre complicité s’est confirmée sur les plans professionnels, amicaux et privés aussi. Autour de belles choses entre nous, c’est rassurant aussi de constater la tournure que tout cela a pris. Travailler sur un projet de Patrick Fiori, c’est comme le faire sur mon propre projet. C’est là toute la différence avec mes différentes collaborations avec d’autres artistes. En ce sens, je suis véritablement chanceux. N’oublions pas que nous évoluons dans un métier difficile. Si nous n’avions eu, Patrick et moi, que des relations professionnelles, notre longévité aurait été probablement bien plus difficile à conserver. S’unir professionnellement uniquement, ça devient de nos jours trop pénible.

TvRockLive.com : Au tout début, sur les projets de Patrick Fiori, vous étiez trois à porter le même nom Hampartzoumian. Comment se fait-il que tu sois le seul à être resté au fil des années auprès de Patrick ?
Patrick : Tu as raison ! Dans le groupe, il y avait au départ André, mon frère, Agnès, mon ex-belle sœur, et moi. La vie possède son lot de surprises et d’histoires personnelles. Mon frère et mon ex-belle-sœur ont malheureusement divorcé. Même s’ils avaient pu continuer à travailler ensemble sur les mêmes desseins musicaux, la vie a changé leurs trajectoires par manque de place, et non à cause de leur divorce. Je m’explique, après la première tournée, l’effectif autour du groupe de Patrick Fiori, a été considérablement réduit. L’organisateur de concerts avait Booké des concerts dans de plus petites salles. Il a fallu nous conformer aux nouvelles règles. Inévitablement, quand tu réduis l’équipe artistique, ce sont les cuivres, les cordes, et les choristes qui disparaissent en premier. De fait, Agnès n’a pas été réinvitée aux tournées suivantes. Ensuite, concernant mon frère, ce fut différent. Il a longtemps navigué entre deux artistes, Patrick Fiori et Michel Sardou. Il devenait de plus en plus difficile pour lui de combiner les deux Plannings de tournées. Au final, mon frère a proposé à Patrick Fiori un remplaçant qu’il connaissait bien, et surtout en qui il avait une totale confiance.

TvRockLive.com : André n’a pas eu de regrets ?
Patrick : L’idée de rejoindre d’autres projets que ceux de Patrick Fiori, constituait déjà à cette époque une envie très présente pour lui. Avec cette évolution de carrière, André n’est pas revenu avec nous. De mon côté, je n’ai jamais lâché l’affaire.

TvRockLive.com : Pourquoi n’as-tu pas ressenti le même besoin qu’André ?
Patrick : En réalité, je me suis toujours senti bien avec Patrick. J’ai l’impression que dans ses projets je sers vraiment à quelque chose. C’est juste fondamental pour moi de me sentir utile. Sinon, je m’en vais. Pour moi, il n’y a rien de pire que d’être superfétatoire. Donc, je n’ai eu aucune raison d’aller voir ailleurs.

TvRockLive.com : Il y a quelques années, dans une Interview à propos des batteurs qui évoluaient dans son groupe, Jean-Jacques Goldman m’avait raconté une blague. Il disait, mon groupe est constitué de 4 musiciens, plus un batteur…
Patrick : (Éclats de rires) ! Oui, les musiciens colportent même l’idée que le batteur s’avère souvent le meilleur ami des instrumentistes (rires) !

TvRockLive.com : Donc, comment leur fameux meilleur ami se retrouve-t-il à devenir le directeur musical d’un groupe d’instrumentistes et que tu puisses aspirer au respect de leur part ?
Patrick : Pour être directeur musical, il faut bien entendu être musicien. Je le suis. Bien heureusement, il n’y a pas que cela qui compte. Cette fonction requiert aussi des qualités humaines et psychologiques importantes : aptitude à s’adresser aux autres, tout en étant suffisamment pertinent. Il faut évidemment aussi savoir un peu de quoi nous parlons lorsque l’on s’adresse à eux.

TvRockLive.com : Comment as-tu décroché ce Job de directeur musical ?
Patrick : En réalité, il faut savoir qu’au départ, je suis aussi réalisateur en studio. C’est même, depuis plusieurs années, surtout l’essentiel de mon travail. C’est une excellente formation pour apprendre à s’adresser à tous les instrumentistes. Avec le temps, j’ai appris à communiquer avec des guitaristes, des batteurs, des choristes … Si je prends l’exemple de n’importe quel guitariste, comme ce fut le cas avec mon frère, quand je leur donne des indications, je connais les bases déjà. Je sais qu’ils sont accordés en Mi, La, Ré, Sol, Si Mi. À leurs contacts, j’ai appris qu’il existe des tonalités bien plus complexes pour certains musiciens. Parfois, ces derniers préfèrent utiliser des accords barrés. Le sachant, je leur propose même… Dans ces moments-là, ils comprennent très vite que je sais de quoi je parle. Inutile, d’essayer de m’imposer bêtement. Les relations alors en deviennent plus fluides et constructives. En les comprenant ainsi, cela me permet, sans forcer, d’être pertinent, crédible et respecté dans mes choix de direction musicale. Et ce processus, je le pratique avec tous les musiciens.

TvRockLive.com : Que faut-il pour être bon directeur musical ?
Patrick : Le plus important demeure de le rester. Il faut faire attention à ne pas dire trop de bêtises, même si tout le monde peut en lâcher quelques-unes. Surtout le batteur (rires…) Ce rôle central m’amène aussi à être l’interface entre Patrick Fiori et le reste de l’équipe technique. Parfois, il n’est pas toujours évident d’expliquer certaines choses aux techniciens. Ils possèdent eux aussi leur propre langage. Ayant également une connaissance du leur, je peux donc là intervenir avec eux dans l’intérêt de Patrick. J’aide finalement les techniciens à mieux comprendre les doléances de Patrick, dans l’intérêt de tous. C’est un ensemble de choses qui m’ont permis de devenir directeur musical, et de le rester pour Patrick Fiori.

TvRockLive.com : Au regard de votre amitié, il y a eu de la préférence dans ce choix ?
Patrick : Je n’ai jamais décroché cette mission, car j’étais son batteur, ami, ou bien les deux. Je reconnais néanmoins que les deux ont pu compter. Cependant, la décision s’est imposée à Patrick et à son Manager de l’époque. Ils m’ont choisi pour mes aptitudes professionnelles et peut-être pour la connivence que nous avions Patrick et moi. Mais, il ne m’aurait jamais proposé le Job juste en fonction de notre amitié. Ce sont donc très certainement toutes ces petites choses, accumulées les unes aux autres, qui m’ont mise en position favorable afin de correspondre au mieux à ce rôle de directeur musical. Rien de plus. Maintenant, il faudrait leur demander…


TvRockLive.com : À quel moment et comment es-tu passé de batteur à directeur musical ?
Patrick : Le plus simplement du monde. Après la toute première tournée pour Patrick, avec la grande formation au complet. Jacques Venerusso occupait ce poste pour lui. On travaillait ensemble depuis longtemps. Nous avions débuté ensemble avec Florent Pagny, en studio et sur scène. Rapidement, Jacques a rencontré beaucoup de succès. Il a alors décidé de voler de ses propres ailes. La suite, ce fut un concours de circonstances. Je dois bien admettre que cela correspondait aussi au moment où je prenais davantage de place dans les projets de Patrick. Appréciant mon travail, Patrick Fiori s’est rapproché de moi afin de m’expliquer que Jacques s’en allant, son Manager de l’époque, et lui, aimeraient bien que ce je reprenne la direction musicale en mains. J’avoue avoir été ravi de la proposition. Elle convenait même à tout le monde d’ailleurs. Les passassions, aussi bien en studio que sur scène, se sont produites très naturellement. Depuis, personne ne s’en est plaint. Patrick semble parfaitement content, et moi également. On avance donc ainsi depuis pour la satisfaction de tous !

TvRockLive.com : Lorsque tu deviens directeur musical, nommé par Patrick, alors que l’on sait que bien souvent les directeurs musicaux sont bien souvent des guitaristes, des pianistes, ou des bassistes, mais très rarement des batteurs, comment ta nomination est-elle prise par ton frère ? Tous les deux, finalement proches de Patrick ? On aurait pu très aisément imaginer que le choix fut porté sur ton frère, plutôt que toi, non ?
Patrick : Une des grandes qualités d’André, et il y en a beaucoup d’ailleurs, c’est aussi de ne pas avoir un ego démesuré. De savoir ce qu’il vaut. D’être bien à sa place. Lorsque Patrick me l’a proposé, ça lui a parfaitement convenu. Il n’a absolument rien trouvé à y redire. Nous nous connaissons suffisamment bien pour ne pas nous quereller pour ce genre d’histoire ni d’autres d’ailleurs. Nous sommes en totale harmonie dans notre relation fraternelle. Toujours claire et limpide.

TvRockLive.com : Alors, même s’il n’a pas protesté par cette nomination, comment se produisait votre communication entre frères ?
Patrick : Très bien. Quand je m’adressais à lui, je savais comment lui parler. Cela m’a considérablement facilité les choses, je dois bien l’avouer. Être le frère d’André m’a aussi, particulièrement aidé, pour combler les faiblesses harmoniques que je pouvais avoir et que je me devais de combler. Dans ces moments-là, André me suppléait admirablement. J’ai beaucoup appris de lui.

TvRockLive.com : Comment parvenais-tu à échanger avec les autres, sans ce lien fraternel justement ?
Patrick : Je n’ai jamais eu envie de montrer aux autres que j’étais meilleur qu’eux. Je sais très bien d’ailleurs que je ne le suis absolument pas. En revanche, je connais parfaitement ma tâche : dans les cas les plus délicats, la responsabilité de trancher me revient. C’est bien clair pour moi. Mon principal rôle se trouve dans cette décision. Et à ce sujet, au regard de mes anciennes décisions, je semble faire l’unanimité. Il suffit d’écouter ce que les autres disent de mon travail de directeur musical. Il semble agréable de travailler avec moi. Lorsque j’ai un doute ou une ignorance, je n’ai aucune honte à dire, je ne sais pas, et à demander de l’aide aux autres. J’apprécie qu’ils m’expliquent comment ils réalisent ce qu’ils ont l’habitude de réaliser. Même si j’ai certes toujours un avis, je peux avoir une question à poser à mon entourage pour parvenir à trancher en faveur de la meilleure solution, même si la bonne décision m’a été inspirée par autrui. C’est en agissant surtout ainsi que j’ai gagné en crédibilité avec tout le monde. Ils m’ont tout de suite fait confiance. Je ne les ai jamais trahis.

TvRockLive.com : Ce qui m’a amusé, lorsque j’ai découvert que tu étais devenu le directeur musical, batteur, auteur, compositeur, réalisateur, producteur de Patrick Fiori, j’ai eu ce flash que tu devenais d’un coup le Phil Collins français…
Patrick :Wouah, quel magnifique compliment !!!

TvRockLive.com : Phil Collins, directeur artistique, batteur, chanteur, Frontman, compositeur, producteur, réalisateur de Genesis à lui tout seul … Dans la variété française, je ne connais aucun autre batteur qui dispose de toutes ces casquettes au sein du même groupe. Nous pourrions aisément te considérer comme son fils spirituel français. Qu’en penses-tu ?
Patrick : En tous les cas, le compliment me touche énormément. Quel compositeur de bon goût exceptionnel. Magnifique chanteur. Batteur terrible. Artiste toujours aussi pertinent, complet, et aboutit. J’ai un immense respect pour lui. J’adore l’écouter. Je suis véritablement fan. Si l’on voit les choses selon ton prisme, je suis effectivement un peu touche-à-tout. Comme lui, je suis un multitâches avec comme instrument de départ la batterie. Mais, soyons sérieux, la comparaison s’arrête là. Phil Collins reste un véritable génie de la création, alors que moi, je ne lui arrive même pas à la pointe des pieds (rires) !

TvRockLive.com : Revenons à Patrick Fiori. Tu te retrouves à diriger un orchestre, à être batteur, à bidouiller sa musique en studio, et à être l’ami du patron. Tout cela pour un seul homme. Quel est le rôle que tu préfères dans tout ça ?
Patrick : Celui qui me convient, c’est de ne surtout pas en avoir un seul de précis justement. Il me plaît d’avoir plusieurs casquettes… Sinon, je m’abrutis. Je me lasse rapidement ! J’aime l’ensemble de mes fonctions. L’idée de me mettre en avant n’est surtout pas ma priorité. Tu peux d’ailleurs retrouver cette même attitude dans ma façon de jouer. C’est pour ça que je ne suis pas soliste. Je déteste même les solos de batterie. Ce que j’apprécie dans la musique, c’est quand la batterie se trouve à la bonne place dans la chanson. Que l’on constate que sans elle, le titre serait moins bien, mais qu’avec, il s’en trouve bien meilleur. Mon instrument doit juste occuper la place qui lui revient. Cependant, j’apprécie aussi, lorsque de temps en temps, et toujours de manière très raisonnable, et s’il existe un peu plus de place, réaliser le petit plus qui améliore l’ensemble. Mais, attention, sans jamais en faire trop. Lorsqu’un batteur joue ainsi, franchement, je me régale. J’essaie de toujours fonctionner ainsi. En réalité, contrairement à beaucoup de techniciens, je ne m’ennuie pas quand je n’ai aucun Break à intégrer dans une chanson. Ma seule obsession demeure de ne pas bouger le tempo… Lorsque j’écoute les autres jouer, cela me permet de me concentrer sur le son que je produis, et définir si je me trouve bien dans l’espace que je dois occuper. Quand je sens que j’y suis, où j’ai l’impression d’y être, là, c’est incontestable, je savoure le moment.

TvRockLive.com : Si je résume, tu es le Phil Collins à la française qui joue à la Jeff Porcaro !
Patrick : (Rires) Sincèrement quel formidable batteur. Pour la petite histoire, grâce à un ami qui produisait le concert de Toto à Marseille, j’ai eu la chance de le rencontrer dans les coulisses. Cet ami m’avait offert l’opportunité de passer quelques minutes avec cette légende mondiale de la batterie. Je lui avais même laissé mon numéro de téléphone. Ce fut juste génial. Bien plus tard, j’ai eu la joie de constater qu’il m’avait rappelé et même laissé un message sur mon répondeur. J’étais tellement heureux, j’ai Samplé son message à l’infini. Depuis, son message vocal, je l’ai conservé comme un véritable cadeau qu’il m’avait offert. Sa disparition m’a terriblement peiné. Jeff Porcaro fait incontestablement partie des musiciens qui, pour moi, ont inventé une nouvelle manière de jouer de son instrument. Il a permis à d’autres batteurs d’évoluer dans leur jeu, comme jamais nous le pratiquions auparavant. Depuis Jeff Porcaro, c’est indéniable, plus aucun batteur ne jouait de la batterie comme il en avait l’habitude avant. Ce mec-là, il avait le Feeling, le bon son des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Il en était la référence incontestée. Tout le monde le voulait en séance. Son nom se trouve toujours associé à une quantité de musiciens, tout aussi disparates les uns que les autres. Sur plusieurs décennies, Jeff a joué sur une quantité de disques, sans savoir qu’il en était le batteur. Cela s’avère véritablement impressionnant. Porcaro, quel immense musicien. Quelle extraordinaire famille de musiciens…

TvRockLive.com : La comparaison que je soulève avec toi, elle existe, non pas en termes de génie musical, mais plutôt à propos de ton style de jeu que tu dépeignais un peu plus tôt, à l’image de ce qu’à toujours produit Jeff Porcaro. À savoir, vous jouez de la même manière, en mettant les notes justes, sans en ajouter d’inutiles, et sans descentes de toms et des triolets à profusion… Et pour l’autre comparaison, tu te rapproches du style de réalisation d’un Phil Collins qui dirige le tout avec simplicité et talent. Tu possèdes donc ces deux casquettes avec leurs mêmes qualités. C’est précisément ce que j’apprécie dans ta manière de te produire sur scène, ce côté extrêmement détendu, à l’image de Jeff et Phil qu’ils exécutent avec une très grande sobriété et une tranquillité presque déconcertante. On ne sent chez toi aucune pression, alors que nous savons qu’il n’existe aucun Show sans erreurs !
Patrick : Justement, ces « pains » sur scène dont tu parles, en tant que directeur musical, je les aborde sereinement. Je ne vais jamais voir un musicien après un concert pour lui relever toutes ses faussetés et lui faire la morale. Je sais très bien que pour le spectacle suivant, ce sera peut-être à mon tour de me planter. En revanche, lorsqu’un instrumentiste joue bien pendant un Show, même si je relève quelques erreurs, mais qu’il fait passer des émotions fortes dans la salle, je vois les yeux des gens pétiller, et le public arborant un large sourire en le regardant jouer, alors là, je me dis que son boulot se révèle parfaitement assuré. Les gens ne viennent pas pour nous juger, mais pour vivre des émois, nous écouter, regarder le meilleur spectacle possible. Alors, si nous fournissions aux fans ce qu’ils viennent chercher, ce qui les touchent, nous avons rempli notre mission. De plus, il faut savoir que les accros que tu entends, la très grande majorité de l’audience ne l’entends jamais…


TvRockLive.com : Je vais même aller plus loin. Je pense que ces accrocs durant un spectacle, c’est ce qui en fait la qualité et la singularité. Parfois, une erreur dans un Show peut faire basculer le moment dans quelque chose de complètement différent et magique…
Patrick : D’où l’intérêt du Live justement. Certaines personnes qui, lors d’une tournée, viennent assister à quinze ou vingt concerts de Patrick, ils nous disent systématiquement qu’ils aiment nos concerts. Ils se révèlent tous différents d’un soir sur l’autre. Chaque prestation revêt un moment inoubliable pour eux. Pourtant, si tu regardes bien, l’ensemble de la représentation reste la même, mais tout en étant différent. Patrick n’a pas toujours la même attitude. Il ne dit pas la même chose entre les chansons tous les soirs. Même pour nous, lorsque nous jouons un morceau, que nous jouons chaque soir, il peut y avoir des surprises en fonction de la forme de chacun et des événements extérieurs. Entre musiciens, nous avons besoin de nous écouter. De nous ressentir. De nous regarder, afin d’entrer en osmose musicale. C’est ce qui précisément nous procure véritablement du plaisir. En conséquence, cette satisfaction se transmet au public. L’énergie, d’un soir sur l’autre, peut complètement varier. C’est aussi cela une réalité et la beauté du Live.

TvRockLive.com : Sur cette tournée, j’ai constaté une nouveauté amusante. Un instrumental qui m’a beaucoup plu. Cette double référence guitaristique. Tout d’abord, au son et au jeu de David Gilmour, Leader de Pink Floyd, qui fut porté par un guitariste au Look à la The Edge, guitariste de U2, dans un interlude très Floydien. J’ignore si ces deux clins d’œil furent intentionnés, mais… Cela m’a particulièrement transporté. Pendant ces trois minutes, je n’étais plus avec Patrick Fiori, mais à un bout de concert de Pink Floyd. Comme si cet espace musical se révélait une bouffée musicale reliant deux parties de concerts distinctes.
Patrick : J’en suis ravi. C’est exactement ce que nous avons cherché à réaliser. Cette expérience musicale, nous avons voulu la créer en fonçant complètement dans nos racines. Celles qui nous plaisent vraiment. Nous avons plongé avec bonheur dans les références de notre guitariste, David Gilmour et Gary Moore. C’était notre manière de rendre hommage à nos idoles. Le guitariste de Pink Floyd n’a pas besoin de nous pour se faire connaître. Alors, reprendre son style et assumer nos références musicales et les partager, c’était notre seule volonté créatrice : Composer une musique qui nous plaise et que l’on prenne plaisir à interpréter. Nous avons réussi notre mission avec cette composition. Chaque soir, nous nous régalons véritablement.


TvRockLive.com : Est-ce un moment que les fans apprécient ?
Patrick : Nous savons que certains vont en profiter pour aller aux toilettes, nous ne l’ignorons pas… On nous a aussi confié que beaucoup d’autres attendaient cet instant et l’appréciaient beaucoup. Cette idée de pause musicale correspondait aussi à une volonté de Patrick de varier notre répertoire. Il ne voulait surtout pas sombrer dans une certaine monotonie. Créer des surprises, et des rebondissements dans nos concerts fait partie aussi de notre Job. Cette création s’avère donc une petite pierre posée là pour apporter un nouveau souffle au spectacle.

TvRockLive.com : Quand je viens à certains de vos concerts, il me manque toujours « Je ne serai jamais », une chanson au texte absolument sublime. Pourquoi, sur cette tournée, est-elle écartée ?
Patrick : Cela me fait très plaisir que tu le dises. La musique se révèle terrible. Mon grand ami Thierry Blanchard, dit Thai thai, en est le compositeur. De mémoire, l’auteur est Robert Goldman, même si j’ai un léger doute. L’a-t-il composé seul, ou en duo ? Un très grand nombre de fans adorent cette chanson. Ils nous la réclament vraiment très souvent. Elle constitue un titre phare pour nous aussi. Lors de la précédente tournée, nous l’interprétions en piano-voix, et à quatre voix. Ce fut un moment très fort de nos concerts. Comme nous aimons, d’une tournée sur l’autre, modifier régulièrement la liste de chansons. Cette fois-ci, alors que nous l’avions au départ intégré dans la Setlist, nous voulions la conserver.

TvRockLive.com : Pourquoi ?
Patrick : Nous avions du mal à la caser au bon endroit. Elle se trouvait dans le Set acoustique, jetée au milieu des Sets électriques. Sur cette tournée, dans ce Set acoustique, comme nous avions décidé d’inclure beaucoup de titres que nous aimions, mais de les raccourcir pour ne pas aligner un concert trop long, il nous a fallu faire un choix. Ce fut compliqué, mais nous avons tranché. La réalité est que ‘’Je ne serai jamais’’ possède une progression particulière. Elle ne peut être coupée. Si nous la réduisions, elle perd totalement son intérêt. L’écourter nous semblait donc complètement absurde. Du coup, nous avons préféré la passer à la trappe. Alors, si cela peut te rassurer, je te confirme qu’elle reviendra assurément dans nos prochaines représentations, même si j’ignore quand…

TvRockLive.com : … Vivement qu’elle revienne alors, à moins que tu puisses intercéder…
Patrick : (Rires) Je confierai à Patrick que tu adores particulièrement ce titre, tout comme lui. Alors, même si je n’ai aucun pouvoir de lui faire réintégrer cette chanson dans son Tour de chant, je peux au moins lui glisser que vous aimez tous les deux très particulièrement ce texte… Et après … Il décidera !

TvRockLive.com : Quand on possède une carrière aussi remplie que la tienne, avec autant de casquettes et de projets différents, lorsque tu raccrocheras ce métier dans la musique, qu’en restera-t-il pour toi ?
Patrick : Je ne pense pas que je vais m’arrêter. Je n’en ai même pas envie. Tant que la santé suivra, je continuerai. En revanche, j’espère au quotidien pouvoir faire évoluer mon travail. j’espère devenir celui qui mettra un peu moins les mains dans le moteur. L’arrêt de ma carrière, je refuse donc de me poser cette question !

TvRockLive.com : Et que voudrais-tu laisser de ton passage dans l’univers musical français ?
Patrick : Alors, grande question… Le plaisir et de très bons souvenirs, j’espère. Les mauvais, on fait comme tout le monde, à terme, on les oublie. C’est d’ailleurs rassurant. Pour les bons, il faut bien avouer, j’en ai tellement au fond de mon cœur. J’ai quand même la chance d’avoir travaillé avec de superbes personnes. Elles m’ont permis de vivre de véritables plaisirs à leurs côtés, et d’enchaîner des moments inoubliables. J’espère également que certaines garderont une idée positive de moi. Quelqu’un qui travaillait sérieusement, et mettait beaucoup de cœur dans ce qu’il a toujours entrepris. J’ai toujours essayé de faire du mieux que je pouvais. Ne jamais négliger mon travail. Après, il faut bien le reconnaître, je n’ai pas toujours tout réussi aussi bien que je l’aurai voulu. Certaines projections de certains projets n’aboutissent pas là où tu le souhaiterais. C’est la vie !

TvRockLive.com : Comment te qualifierais-tu ?
Patrick : Un véritable gourmand de travail. J’ai toujours eu envie d’exercer différents métiers. J’ai pu le faire. C’est un véritable luxe de pouvoir réaliser beaucoup de choses avec toujours la même passion !

TvRockLive.com : Là, je vais m’adresser au réalisateur musical. Si tu devais faire évoluer ton métier, où aujourd’hui, les gens consomment principalement de la musique sur des Ipad, ou des téléphones portables, et avec un son médiocre. Comment agirais-tu pour améliorer ton métier ?
Patrick : Le faire évoluer, je n’en ai aucune idée. Je ne suis pas visionnaire. Je n’en ai surtout pas cette prétention. Je n’ai très sincèrement aucune idée pour enrayer une évolution qui semble moins intéressante. Si nous nous comparons à nos ancêtres qui aimaient la musique, pour eux il y a deux cents ans, il leur fallait se rendre à l’opéra afin d’écouter un orchestre de 80 musiciens qui se produisait devant eux. Bien plus tard, lorsque notre génération est arrivée avec sa stéréo chez nos parents, nos aïeux auraient pu bondir en voyant notre manière d’écouter de la musique. La technologie évolue. Nous ne pouvons rien y faire et c’est très bien ainsi. De tout temps, la technologie et l’artistique s’entrelacent. L’un dévie la trajectoire de l’autre. Je ne lutte pas contre cette évolution. Je préfère largement m’y adapter et de toujours tenter d’en sortir quelque chose de positif et intéressant.

TvRockLive.com : En quoi la technologie s’avère plus intéressante, selon toi ?
Patrick : De nos jours, nous pouvons écouter la musique partout, avec un téléphone, une chaîne Hi-Fi, une tablette, un ordinateur. C’est un luxe ça. Pour moi, l’important restera quoiqu’il arrive de toujours écouter de la musique. Par le passé, pour écouter mes disques, je devais rentrer chez moi. Me rappeler où j’avais bien pu ranger ceux que je recherchais dans ma chambre. Aujourd’hui, j’ai absolument tout à disposition. Ma discographie complète se trouve dans mes Playlists sur mon téléphone. Je peux l’écouter quand je le désire et surtout où je le veux. C’est quand même bien ça, non ? Donc, les nouvelles technologies; elles ne sont pas toutes à jeter par la fenêtre. Loin de là. Après, chacun reste libre de la manière dont il écoute sa musique. Dans certaines voitures, on peut trouver un très bon son. Sur la route que je prends régulièrement, en un claquement de doigts, je peux prendre plaisir à écouter ce qui me passe par la tête. Les envies et les choix s’imposent. Quelle joie de savoir que je peux réécouter des tubes anciens quand je le désire et qui vont me faire vibrer mon plaisir, celui de mon esprit, et de mes oreilles.


TvRockLive.com : Ce n’est pas rageant, toi qui mixe et réalise avec une très grande attention le son que tu produis de voir que les auditeurs finalement préfèrent écouter des sons compressés ?
Patrick : Ce n’est pas énervant. Je ne représente rien pour lutter contre ce phénomène. Je me dis que la musique se consomme comme cela désormais. C’est à moi de m’adapter à ces exigences. Je dois utiliser l’évolution comme elle vient. M’interroger sérieusement sur ce que dans cette nouvelle consommation musicale, je peux finalement encore proposer de meilleur afin d’en améliorer l’écoute. La plus intéressante, la moins basique et la moins plate possible. J’ai la chance de produire ce que je veux dans un arrangement que je dois traiter. J’y pense finalement tout au long du processus de création. Je m’accroche à trouver le ravissement de l’écoute que cela va engendrer chez l’auditeur.

TvRockLive.com : Il y a-t-il des musiques particulières qui t’apportent du bien-être ?
Patrick : Certaines comme le Easy Listening, de la musique facile à écouter. J’aime bien ce genre-là. J’ai écouté 300 000 fois des titres comme  »Hotel California » et je me régale à chaque fois que je la réécoute. Même en fond sonore, elle me fait un bien fou. En réalité, mes favorites, ce sont majoritairement les tubes du passé et la musique populaire. Elles me procurent de la félicité. Lorsque je vais voir un grand concert, et je vois la régalade dans les yeux du public, je suis aux anges aussi. J’adore !

TvRockLive.com : Comment voudrais-tu achever cet échange ?
Patrick : Je voudrais remercier mes parents. Nous venions d’un milieu social ouvrier, dans lequel j’étais très heureux. Jamais malheureux. Nous ne réalisions pas, mon frère et moi, ce qu’ils vivaient et pouvaient faire pour que nous soyons heureux. Nous vivions dans une cité HLM. C’est là que j’ai appris à jouer la batterie et que j’ai compris à quel point nos voisins nous détestaient. Certes, la batterie acoustique au 2e étage, et dans un immeuble de 4, ça se remarque un peu trop. À cela, pour qu’ils nous détestent encore davantage, tu ajoutes, mon frère qui se lâchait sur sa guitare électrique Fender. Tu imagines nos voisins. Malheureusement, à cette époque, il n’existait pas de batterie électronique. Elles furent commercialisées un peu plus tard. Pour la petite histoire, dès que j’ai pu, je m’en suis offerte une.

TvRockLive.com : Effectivement, la vie de voisinage n’a pas dû être pour eux tous les jours faciles…
Patrick : Je te le confirme. Du coup, après toutes les abnégations de nos parents, je suis obligé de les remercier et de penser très fort à eux. Tout d’abord, parce que je les adore. Et là où ils sont, je pense encore à eux. Ce n’est que du bonheur d’avoir eu de tels parents. Je me rends compte aujourd’hui de ce qu’ils ont fait pour nous. Je ne réalisais pas à l’époque. Je trouvais même leurs comportements parfaitement normaux. Maintenant, je mesure tous les efforts qu’ils ont dû consentir et les sacrifices qu’ils ont endurés pour mon frère et moi. Dans une certaine mesure, pour nous, ils sont responsables, dans le sens noble du terme, de tout ce que nous avons pu réaliser et ils nous ont permis d’évoluer ainsi dans notre passion. Je les remercie du fond du cœur. Je les adore. Et pas uniquement pour cela. Ils me manquent tant.

TvRockLive.com : Est-ce depuis que tu es devenu Papa que tu vois les choses ainsi ?
Patrick : Autant je l’avais compris depuis longtemps, autant depuis l’arrivée de ma fille, cela a davantage basculé dans d’autres sentiments. Encore plus forts. Je ressens bien plus ces émotions.