Solstitium

Entretien réalisé avec Sébastien Grenier (Guitare) et Benjamin « Lethal » (Batterie)
Par Drummer Boy, images : DR

Morgoth Invasion


Notre coup de cœur du moment se nomme Solstitium. Cette formation Française vient de sortir son tout premier album répondant au doux nom de Morgoth. Nous avons véritablement été bluffés par la qualité et la maturité des compositions ainsi que par l’énorme production dont le disque bénéficie, d’où notre envie d’en savoir plus sur ce groupe…

TvRockLive.com : Comment présenteriez-vous Solstitium, formé il y a à peine deux ans ?
Sébastien Grenier : Notre groupe propose un mélange de Doom et de Death avec des éléments empruntés au Heavy traditionnel. Le propos est épique et la démarche « Old School ».

TvRockLive.com : On est surpris par la qualité de Morgoth qui n’est que votre premier album, tant au niveau des compositions que de la prod’…
Sébastien Grenier : Merci beaucoup ! L’album a été composé par mes soins, musiques et une partie des paroles (François Blanc, chanteur, ayant écrit les paroles de « Morgoth », « Frozen Gate », « Long Live The King » et « Immortal Pride »). Solstitium était pensé au départ comme mon projet solo, en parallèle de mon groupe Athabas, dont le style n’est pas adapté à ces morceaux épiques. L‘idée était de proposer un album enregistré à la maison, avec des logiciels tels que Logic Pro, Superior Drummer, et de le mettre en ligne sur Bandcamp et Youtube. Rien de plus… La seule ambition était de faire l’album que je rêvais de faire depuis mes 15 ans. La quarantaine passée, je me suis dit qu’il était temps de le faire avant d’être trop vieux. Je voulais que ce disque existe, déjà pour moi ! Mon cadeau de crise de la quarantaine en quelques sortes… Mais eu une convergence d’événements et de rencontres a finalement abouti à la mutation du projet en un groupe à part entière, à commencer par la rencontre avec François. Au départ je voulais faire le chant moi-même, mais je dû me rendre à l‘évidence. Mes cordes vocales étaient en piteux états, après des années à brailler dans mes groupes précédents, sans aucune technique. Je me suis donc mis en quête d’un vocaliste. J’ai entre autres parlé de mon projet avec Thim Montaigne, un pote illustrateur et dessinateur de BD (qui a récemment sorti « 1629 » avec Dorison au scénario). C’est lui qui m’a parlé de François avec qui il est ami, et qui outre son métier de journaliste chez Rock Hard Magazine, officie comme chanteur dans de nombreuses formations (Angellore, Abduction, Impending Triumph…) À partir de là, j’avais en tête de demander à Bastoch de Blackstain d’assurer le chant. J’ai néanmoins envoyé la démo du titre « The Cimmerian » à François. Au départ il était réticent à l’idée de rejoindre un nouveau projet. Mais il a tout de suite accroché et m’a renvoyé le titre avec sa voix par dessus, dans la foulée. Le résultat dépassait mes attentes ! Le projet solo était devenu un duo. Ensuite, Silvère Gravelin, bassiste d’Athabas, entendant la démo avec la voix de François, a tout de suite accroché et m’a proposé de faire les parties de basse. J’ai accepté avec plaisir, non sans préciser que Solstitium est mon bébé. C’est moi le Boss ! Les choses ainsi clarifiées, Silvère en a profité pour faire écouter la fameuse démo à son batteur Lethal. Cela s’est passé lors d’une soirée fort arrosée avec son autre groupe Defraktor. Il lui a demandé si ça le brancherait de faire la batterie sur l’album. Ce dernier, très alcoolisé sur le moment, a accepté, trouvant le morceau Cool. Quelques jours plus tard, Silvère lui a demandé s’ il était toujours d’accord pour jouer la batterie pour Solstitium. N’ayant aucun souvenir de sa réponse, et Silvère lui assurant qu’il avait accepté, il a confirmé sa participation au projet, malgré son agenda saturé : « Si j’ai dit oui, alors c’est oui ! »). S’en est suivi la première répétition guitare/basse/batterie sur quelques morceaux. L’alchimie s’est faite immédiatement. Comme les morceaux étaient basés sur le jeu à deux guitares, Lethal a proposé à Franck (Mehki) (avec qui il joue dans son groupe de Black Au-delà) de nous rejoindre. C’est ainsi que Solstitium est devenu un vrai groupe, bien malgré moi ! Même si l’aspect créatif reste mon domaine, je reste ouvert aux idées et suggestions, tant que cela sert l’efficacité du morceau.

TvRockLive.com : Pouvez-vous parler de la phase de studio ?
Sébastien Grenier : Concernant l’enregistrement, le mix et le Mastering, je n’avais pas d’idée arrêtée. C’est François, Lethal et Franck qui m’ont assuré que Déha (producteur de l’« Opus Magnum Studios » à Bruxelles était la personne idéale pour Solstitium. Le fait d’être avec des musiciens aussi confirmés a rendu le groupe beaucoup plus ambitieux et le fait d’avoir une personne aussi qualifiée et expérimentée que Déha s’est vite imposé comme la bonne décision. L’enregistrement s’est fait en plusieurs étapes. Les guitares rythmiques et la basse ont été enregistrées chez Silvère. Les guitares sortent de mon ampli Engl, voulant un son organique et dynamique, sans aucun VST que je trouve toujours plats et uniformes, surtout pour les rythmiques. Il y a au moins six pistes de guitares rythmiques par morceaux pour rendre l’ensemble plus massif, sans compter les pistes Leads et solis enregistrées plus tard chez Déha… Je crois que nous avons atteint seize pistes de guitares sur certains morceaux, de la folie… Lethal nous a tout bonnement scotchés. Il a enregistré l’intégralité de l’album en trois heures chrono avec une puissance et une intensité hallucinante. Il n’a fait qu’une prise par morceau. Une vraie performance ! Il voulait faire une deuxième passe mais à l’écoute, il s’est avéré que c’était inutile. François a enregistrer ses parties de chant et les chœurs sur plusieurs sessions, toujours chez Déha, qui au passage est un excellent vocaliste qui a pu nous conseiller et apporter des idées nouvelles. Ce producteur est vraiment à l’écoute en apportant des tas d’idées et de suggestions. En plus d’exceller dans son domaine, il a vite compris le type de son que je voulais, à la fois « Old School » et puissant. La prod’ ne pouvait être meilleure !

TvRockLive.com : Avais-tu dès le départ une idée précise de ce que serait Soltitium, cette sorte de Heavy Doom Death aux multiples influences ?
Sébastien Grenier : Oui, c’était très clair dans mon esprit. Je voulais faire un album réunissant les genres de Metal que j’affectionne, ceux de la fin des années 80 début 90, un Melting Pot réunissant Cathedral, Paradise Lost, Bolt Thrower, Morbid Angel, Grand Magus et SepticFlesh.


TvRockLive.com : Ce qui séduit avec cet album est la cohérence du style malgré les nombreuses influences. Comment avez-vous réussi à créer ces cohésion ?
Sébastien Grenier : J’ai été très vigilant sur l’équilibre des morceaux… Si j’osais l’analogie avec la cuisine, je dirais que chaque ingrédient devait se marier aux autres de manière fluide et naturelle. Si ça sonnait « forcé », la sauce n’aurait pas pris.

TvRockLive.com : Il y a dans votre musique un caractère « Doom » très prononcé. D’un autre côté, vos morceaux ne sont jamais ultra-lents. Est-ce un choix conscient ?
Sébastien Grenier : Effectivement, le Doom est une composante majeure de notre style, mais encore une fois il est important de garder un équilibre avec le Death et le Heavy. Dans ce contexte, trop ralentir un riff aurait nui à l’ensemble. Nos textes épiques et tragiques réclament une certaine intensité qu’il faut parvenir à garder tout au long des morceaux.

TvRockLive.com : Que pensez-vous des groupes qui ralentissent le tempo à l’extrême ?
Sébastien Grenier : J’adore cette pesanteur extrême, encore faut-il que ce soit bien fait car on peut vite s’ennuyer. Pour moi, Forest Of Equilibrium de Cathedral fait figure de mètre étalon. Ce groupe a poussé les codes du Doom à l’extrême tout en apportant des éléments exotiques comme la flûte traversière qui confère à cet album un aspect onirique tout en étant ultra pesant. Dans les productions récentes, Slow (une création de Déha) pousse encore les curseurs plus bas que terre, c’en est jouissif. Tout réside dans la démarche artistique et les émotions que l’on veut transmettre à l’auditeur. Le Funeral Doom attire l’auditeur dans une spirale descendante mélancolique, souvent hypnotique et la lenteur exagérée accentue le propos.

Certains groupes ont même une approche de la lenteur tellement extrême que cela relève de l’expérimental, à la limite du « Sound Design ».

TvRockLive.com : Lethal, tu es batteur dans Solstitium mais aussi chanteur et bassiste dans d’autres formations. Il est plutôt rare de voir un vrai multi-instrumentiste dans le monde du Metal. Comment as-tu fait ton apprentissage ?
Lethal : Effectivement, je suis bassiste dans Dionysiaque, bassiste chanteur dans Au-Delà, et batteur dans Sacrifizer et Defraktor. J’ai commencé la musique très jeune, vers 6-7 ans, avec le solfège et la trompette (que je pratique toujours). Ensuite vers mes 13-14 ans, j’ai voulu explorer autre chose et me mettre à la guitare, que j’ai demandée pour Noël. Du coup j’ai eu une basse. Pour la batterie, c’est venu vers mes 15 ans car mon père en faisait un peu. On avait un petit Kit à la maison. J’en ai fait quelques années en autodidacte, puis j’ai eu l’immense chance de prendre des cours auprès du batteur du groupe de Rock Prog’ Ange, Jean-Pierre Guichard. Il m’a montré une nouvelle façon de travailler l’instrument, avec une rigueur que j’applique aux autres instruments. Après, il n’y a pas de secret, il faut jouer, jouer et jouer encore. Mais aussi jouer, sans oublier de jouer. Surtout pas !


TvRockLive.com : Quel est ton instrument de prédilection ?

Lethal : Je ne pense pas vraiment en avoir, dans le sens ou je bosse vraiment beaucoup la basse et la batterie, au même niveau. Par exemple, Sacrifizer est assez exigeant. Il y a du Blast a 240. Je ne peux me permettre de faire de pauses dans ma pratique car j’ai peur de perdre le niveau. De toute façon j’adore ce que je fais, donc ça ne me dérange pas de bosser comme un con des Blasts pendant des heures. (Rires) Pour ce qui est de la basse dans Dionysiaque ou Au-Delà, les plans ne sont pas forcément simples car je cherche toujours à trouver des lignes qui surprennent ou vont à contre pied de ce qui se fait habituellement. Le reste dépend de mon humeur. Je m’assure de jouer avec le cœur car pour moi, c’est ça la musique.

TvRockLive.com : Tu te démarques dans Morgoth avec des titres remplis de plans de batterie alambiqués. Es-tu à l’aise avec les rythmes asymétriques ?
Lethal : Merci ! J’aime beaucoup les décalages vocaux de Maniac dans certains albums de Mayhem, un Gimmick qu’il m’arrive de piquer pour le chant d’Au-Delà. Avec le temps, j’ai pensé à le faire à la batterie. Si je suivais trop les guitares, je finirais par faire dans le Deathcore ; et ça, c’est hors de question ! Cela dit nos morceaux restent en 4/4. Il n’y a pas de mesures asymétriques !

TvRockLive.com : Lorsqu’on parle de « Morgoth », on ne peut s’empêcher de penser au personnage développé par Away, batteur et parolier de Voivod. Y-a-il un lien entre votre Morgoth et celui de Voivod ?
Sébastien Grenier : Non… En fait Lethal m’a envoyé récemment une photo d’un Track Listing de Voivod dont l’un des titres était « Return To Morgoth », ce qui nous a fait sourire. Comme on dit, les grands esprits se rencontrent. Je ne suis pas un connaisseur de ce groupe, je le confesse, à ma grande honte. C’est une lacune que je dois combler au plus vite. Le Morgoth de notre album fait bien sûr référence au Silmarillion de Tolkien et de son ultime seigneur des ténèbres !

TvRockLive.com : Vous avez développé un style à la fois épique et brutal avec beaucoup d’arrangements et de chœurs. Le titre « Anathema Of The Templar » est un bon exemple. Il est extrêmement travaillé, à tel point qu’on a l’impression que c’est une chanson de studio pas vraiment interprétable sur scène. Comment se passe globalement la transition vers la scène ?
Sébastien Grenier : « Anathema… » est effectivement notre titre le plus compliqué. Pour autant, nous travaillons le Live pour éviter de décevoir notre public. Lethal et Franck bossent énormément leurs voix qui s’ajouteront à celle de François pour recréer ces chœurs épiques. Le but est de s’approcher le plus possible de l’album.


TvRockLive.com : Êtes-vous adeptes des « Backing Tracks » sur scène ?
Sébastien Grenier : Pas vraiment… Le Live, c’est avant tout se mettre en danger, c’est une performance. Le Rock et le Metal sont des musiques vivantes avec leurs imperfections et leur rugosité. C’est ce côté « sans filet » qui rend l’exercice du concert intéressant.

TvRockLive.com : Quels livres ou films nous conseilleriez-vous pour bien comprendre vos paroles ?
Sébastien Grenier : En priorité le film « Conan The Barbarian » de John Milius, illustrée par la musique de Basil Poledouris qui fut une grande inspiration lors de l’écriture de l’album et qui a inspiré les morceaux « The Cimmerian » et « Doomriders ». Ensuite je citerais l’œuvre de J.R.R Tolkien, notamment le « Silmarillion » où apparaît le fameux Morgoth. Enfin je citerais la série de romans « Les Rois Maudits » de Maurice Druon, en particulier le premier tome qui décrit les coulisses du procès et de l’exécution de Jacques de Mollay, grand maître de L’ordre des templiers (ordre de Malte). Le premier couplet d’« Anahema Of The Templar » est une citation de la malédiction proférée par Jacques, adressée au roi Charles Bel et au Pape qui assistent à la mise à feu du bûcher. Cette idée d’axer le sujet sur cet épisode vient de ma compagne, sans qui je n’aurais jamais lu cette saga historique incroyable et jamais égalée.

TvRockLive.com : Solstitium ne sonne absolument pas Français. Vos textes sont exprimés dans un anglais crédible, bien prononcé, et vos influences semblent plutôt à aller chercher du côté de la scène scandinave (Bathory, Tiamat), américaine (Trouble, Morbid Angel) ou grecque (Rotting Christ, Septic Flesh). Est-ce une démarche que vous cultivez dans le but d’être compris et écoutés à l’internationale ?
Sébastien Grenier : Oui il y a de ça. Il ne faut pas perdre de vue que l’Anglais est la langue du Rock. Il y a un Groove et une immédiateté dans ce langage qui sont compliqués à reproduire avec le Français qui est plus alambiqué… (Cela n’engage que moi, bien sûr). De plus en tant que Français, il faut rester crédible en évitant le Franglais ! Heureusement, François maîtrise l’Anglais à la perfection, grâce à son travail de journaliste qui l’amène à Interviewer des artistes internationaux.

TvRockLive.com : Avez-vous des plans de tournées ou de concerts ?
Sébastien Grenier : Oui, nous aimerions défendre l’album sur scène. C’est un peu compliqué à mettre en place vu les agendas de chacun, surtout de Lethal qui part bientôt en tournée avec Dionysiaque. Mais des plans se mettent en place. Nous attendons des confirmations…

TvRockLive.com : Avec quels groupes rêveriez-vous de tourner ?
Sébastien Grenier : J’adorerais faire la première partie de groupes comme Carcass, Paradise Lost, SepticFlesh, Amon AmarthOn a bien parler de rêver ? (Sourire).

TvRockLive.com : Quelles sont vos espérances quant à la sortie de Morgoth ?
Sébastien Grenier : Déjà qu’il soit entendu par un large public et surtout qu’il soit apprécié. Au vu des divers retours et Reviews qu’on a eus jusque-là, c’est le cas. Donc nous sommes grandement satisfaits. À titre d’exemple, nous avons atteint plus de 8000 auditeurs au bout de trois semaines sur Spotify et le clip de « Cimmerian » a dépassé les 3000 vues en moins d’un mois sur Youtube. Il y a eu un vrai Buzz autours de la sortie. Nous pouvons remercier au passage le travail de promotion effectué par notre Label Metal On Metal. Pour la suite l’idéal serait de faire du Live, vendre du Merch et des CDs pour financer l’enregistrement du deuxième album.

TvRockLive.com : Croyez-vous encore au support physique ?
Sébastien Grenier : Même si à titre personnel j’écoute beaucoup de musique dématérialisée, il est important pour moi de proposer une sortie physique. Les CDs et vinyles restent des objets fascinants car ils mettent en valeur un Artwork, un livret dont on peut tourner les pages tout en écoutant l’album. C’est important pour l’immersion dans l’univers proposé par l’artiste. Lethal et Franck ont une approche vraiment « Old School » de l’écoute car ils ont une collection de vinyles impressionnante. Silvère a tout un mur de son salon occupé par sa collection de CDs. D’ailleurs, François nous pousse à sortir le disque en vinyle. Metal On Metal ne produit malheureusement que du CD, mais nous n’abandonnons pas l’idée de sortir un beau Vinyle de Morgoth dans un avenir proche.

TvRockLive.com : Avez-vous déjà songé à l’écriture du second album ?
Sébastien Grenier : Absolument ! Il est déjà composé, en tout cas instrumentalement. François a mis en boîte quatre morceaux sur dix. Il a écrit l’intégralité des paroles sur des sujets que je lui ai soumis. J’ai vraiment hâte de commencer à les jouer en répet’ en vue de l’enregistrement.

TvRockLive.com : Si vous aviez à partir dans une île déserte, quels seraient les trois albums que vous emporteriez avec vous ?
Sébastien Grenier : Pour ma part ce serait Powerslave (Iron Maiden), Paranoid (Black Sabbath) et La bande originale de Conan Le Barbare (Basil Poledouris).

Lethal : Je dirais After Dark de Satan’s Satyr, Thunder And Lightning de Thin Lizzy et le premier album de Toto, le plus grand groupe de Rock de tous les temps !

TvRockLive.com : Un dernier message ?
Sébastien Grenier : La vie est dure, soyez gentils.


Infos + :

https://www.facebook.com/solstitiumband
https://metalonmetalrecords.com/bands/solstitium


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