Frank Gielchrist (Riot V, Liege Lord, Holy Mother, Virgin Steele, etc.)
Interview Exclusive !
Interview Exclusive par : Drummer Boy
& images par : Jowita Kaminska
Heavy Metal Thunder!
Bien qu’il ne soit pas aussi connu qu’un Scott Travis ou qu’un Bobby Jarzombek, Frank Gielchrist figure parmi les meilleurs batteurs de Heavy et de Power Metal. Il s’est fait connaitre à l’international grâce à Virgin Steele, dans lequel il a officié durant 21 ans (de 1994 à 2015). Aujourd’hui il joue au sein du légendaire Liege Lord mais aussi de Riot V et Holy Mother. À la vue d’un tel CV, nous avons voulu en savoir plus sur cet extraordinaire musicien. Maestro c’est à vous !
TvRockLive.com : Peux-tu parler de ton parcours musical ?
Frank Gielchrist : Pour je ne sais quelle raison, j’ai toujours été attiré par la batterie, aussi loin que je me souvienne. Étant enfant, j’avais récupéré un tas de bidons que j’avais réunis autour de moi en cercle. Mes parents eux-mêmes ne comprenaient pas d’où venait cette passion, mais c’était un fait, j’adorais jouer de la batterie. Voilà comment s’est initiée ma vocation. Par chance, il y avait dans mon voisinage des tas de gosses qui avaient commencé à jouer de la batterie pour finalement abandonner au bout de six mois. Cela m’a permis d’acheter du matériel pour une bouchée de pain. Lors de mes année collèges, il y avait de nombreux musiciens de talent. J’avais intégré une formation spécialisée dans les reprises des Beatles. Durant cette période, j’ai eu la chance de rencontrer un professeur qui m’a aidé à parfaire mon apprentissage. Je dois également citer une autre personne qui a tenu un rôle majeur dans mon développement, John Myung. (Futur bassiste de Dream Theater) Alors qu’il n’était qu’en cours élémentaire, il jouait déjà du violon et du piano avec brio. Il faisait même partie de l’orchestre philarmonique de New York. Lui et moi étions les meilleurs amis du monde. À l’époque nous étions à fond dans Iron Maiden et Yngwie Malmsteen, deux formations de haute volée en matière de musicalité. Le problème est que j’avais tendance à glander. C’est John qui m’a incité à travailler la batterie sans relâche, alors que je ne pensais qu’à m’amuser et boire des bières. Je le revois me dire :
« Frank, arrête la bière et va bosser ! Tu n’arriveras jamais à rien comme ça. »
Il m’a fait prendre conscience que la musique est un sujet sérieux, et si l’on veut être bon, il faut pratiquer, pratiquer, et encore pratiquer. Il s’entraînait tous les jours à raison de six heures par jour. C’est lui qui m’a inculqué la discipline. En bref, j’avais un voisinage propice, un excellent prof et un excellent ami. Telles sont les éléments qui m’ont aidé à me construire musicalement.
TvRockLive.com : Ce que tu racontes sur John est surprenant car il est avant tout connu en tant que bassiste…
Frank Gielchrist : C’est vrai, et s’il s’est mis à la basse, c’est grâce ou à cause de moi. En effet, c’est à ma demande qu’il s’y est mis. Lorsque j’étais au lycée, je jouais dans un groupe de reprises et nous venions de perdre notre bassiste, forcé par ses parents d’abandonner la musique car ses résultats scolaires étaient catastrophiques. Je suis donc allé voir John :
« Hey Man, je ne sais plus quoi faire. Nous avons un concert dans deux semaines et n’avons plus de bassiste ».
Et John de répondre :
« Ne t’en fais pas, je vais te filer un coup de main ».
Le jour suivant, il avait emprunté une basse et s’était pointé en répétition. J’ignorais qu’il avait cette capacité à passer du piano à la basse en un rien de temps. Dès la première Jam, il nous a épatés en interprétant à la basse « Eruption » de Van Halen. On n’en croyait pas nos oreilles !
TvRockLive.com : Aurais-tu aimé suivre ses traces en jouant dans Dream Theater ?
Frank Gielchrist : Je l’ai fait, mais durant une courte période. J’ai en effet fondé un groupe dont je ne me souviens plus du nom, et qui allait devenir Majesty (Ndlr : Le pré-Dream Theater) aux côté de Myung, John Petrucci, Kevin Moore et le chanteur Chris Collins. On jouait partout où on pouvait, dans les écoles, les fêtes privées…
TvRockLive.com : Pourquoi n’as-tu pas continué avec eux ?
Frank Gielchrist : Nos chemins se sont séparés quand ils sont allés étudier à Berkeley. Un jour ils sont venus me voir en me disant qu’ils avaient rencontré un batteur formidable du nom de Mike Portnoy. Lorsqu’ils m’ont fait écouter ce dont il était capable, je leur ai dit :
« Écoutez, continuez avec lui car il est bien meilleur que moi. » (Rires !)
Cette séparation s’est faite sans heurts. Nous étions toujours amis et j’allais tout le temps les voir en répétition. J’ai fini par me lier d’amitié avec Mike, qui je dois l’avouer, a aussi exercé une forte influence sur mon jeu. En ce temps-là, personne ne les connaissait, et personne n’aurait pu prédire le formidable succès de Dream Theater. Mais au fond de moi, j’étais persuadé que Mike deviendrait un batteur de renommée mondiale. Quand je repense à mes jeunes années, je réalise la chance que j’ai eue d’avoir rencontré toutes ces personnes, sans qui je ne serais pas le musicien que je suis.
TvRockLive.com : Lorsqu’on t’entend jouer, on réalise que tu as la puissance mais aussi la finesse. Peux-tu parler de cet aspect ?
Frank Gielchrist : Merci pour le compliment ! Effectivement, je pense que ces deux aspects sont aussi importants. À la base, je ne suis qu’un batteur de Heavy jouant à la manière d’un homme des cavernes, ne pensant qu’à marteler ses fûts et à éclater ses cymbales. Mais en même temps, j’ai toujours été attiré par les musique complexes comme le Jazz. J’ai notamment étudié les méthodes de Jim Chapin (Ndlr : Éminent batteur de Jazz, auteur d’un grand nombre de recueils de référence dans le domaine du Jazz) spécialisé dans l’indépendance. À un moment, je me suis lancé dans l’étude des mesures asymétriques et de la polyrythmie, le genre de truc super intéressant à jouer mais que personne n’a envie d’écouter. (Sourire) J’ai aussi suivi des cours organisés par des magasins de musique locaux, avec des batteurs comme Rod Morgenstein de Dixie Dregs et Dom Famularo. La finesse a toujours suscité en moi beaucoup de curiosité. J’ai l’habitude de me comparer à Rocky Balboa, qui se battait bien, avec une certaine finesse, sans être pour autant un grand combattant, mais qui par sa persévérance finissait toujours par triompher.
TvRockLive.com : Qui est ton modèle absolu en matière de batterie Heavy ?
Frank Gielchrist : John Boham, qui avait un jeu très lourd. Chacun de ses coups me fait l’effet d’un coup de tonnerre. Mais il avait aussi la finesse et possédait un sacré bagage technique. Bref, il avait tous les atouts du parfait batteur de Heavy.
TvRockLive.com : Et à part Bonham, qui citerais-tu ?
Frank Gielchrist : En termes de Heavy pur et dur, sans fioritures, je citerais Clive Burr, Tommy Aldridge, Bill Ward, et bien sûr Vinnie Paul pour sa frappe sans pareil, ainsi que Nicko McBrain qui m’a subjugué dès 1983 avec Piece Of Mind et sa brillante intro de « Where Eagles Dare ». J’aime aussi Lee Kerslake qui a accompagné Ozzy Obsourne à ses débuts. J’ai d’ailleurs une anecdote à ce sujet. C’était lors d’une tournée en première partie de son groupe. À l’époque, mes potes et moi faisions la reprise d’« Over The Mountain » (Ndlr : Ozzy Osbourne, Diary Of A Madman, 1981, comportant une mythique intro de batterie). Dès la première date, Lee m’a dit : « Man ! Je vais te casser tes putains de mains ! Franchement tu m’embarrasses ! Tu joues cette intro bien mieux que moi ! » (Rires). Je lui ai répondu : « Bro, ne te sens pas embarrassé. Tu es à la base d’un des « fills » les plus iconiques du Metal et ma considération envers toi est sans borne ! » Et voilà comment nous sommes devenus les meilleurs amis du monde ! Pour la petite histoire, son groupe l’empêchait de boire avant un concert et ça l’agaçait fortement. Il n’avait droit qu’au café ! Mais tous les jours, je me débrouillais pour lui apporter en douce un « Irish Cofee ». Tout le monde n’y a vu que du feu. (Sourire) Je veux aussi citer un autre gros frappeur, Phil Rudd, dont le jeu est considéré comme simplissime. Un jour j’ai joué dans un Tribute Band à AC/DC. Je te prie de croire que les morceaux de ce groupe sont loin d’être une sinécure. En effet, il faut faire « Swinger » les rythmes sans aucun artifice, en veillant à chaque placement de coups. À bien y réfléchir, c’est ça la beauté de l’art ! Rien n’est acquis d’avance, rien n’est mathématique et tout est difficile. Je terminerais par celui que je considère comme le dernier grand batteur de Metal à ce jour, Joey Jordison.
TvRockLive.com : À mon sens, tu as atteint des sommets de créativité sur l’album de Virgin Steele The Marriage Of Heaven And Hell – Part Two (1995). Il semblerait que David DeFeis t’ait laissé carte blanche…
Frank Gielchrist : C’est effectivement le cas. Lors de mon premier jour d’enregistrement, j’ai fait trembler les murs du studio. Les vibrations faisaient tomber des tas de trucs accrochés aux murs. On aurait dit un tremblement de terre. L’ingénieur du son n’avait encore jamais vu ça ! C’est alors que David est intervenu : « Putain c’est génial ! C’est si puissant ! On va tout défoncer ! » Il adorait la furie et la passion que j’insufflait à mon jeu. Durant la session, il m’a incité à me lâcher, tel un taureau en colère, même si à la base, il avait pensé à des parties de batterie différentes. Le résultat était si convainquant qu’il a laissé mon travail en l’état sans chercher à le retoucher. Je ne le remercierai jamais assez pour la confiance qu’il m’a accordée. Cela dit j’étais bien conscient que les chansons étaient écrites et qu’il me fallait respecter une ligne directrice. Certains batteurs font leur truc dans leur coin et demandent aux autres musiciens de se calquer eux. Je n’ai jamais eu cet état d’esprit, étant conscient de devoir me mettre au service de la chanson et donc de canaliser mon énergie afin de coller à tous les instruments.
TvRockLive.com : Sur cet album, tu ne joues que sur quelques titres. Quelle en est la raison ?
Frank Gielchrist : C’était une période de transition. Le groupe avait déjà mis en boîte certains morceaux avec mon prédécesseur Joey Ayvasian (Ndlr : Batteur Originel de Virgin Steele, de 1981 à 1995). Pour exemple, je n’ai pas joué sur « A Symphony Of Steel » mais je me le suis approprié sur scène. Je pense notamment à l’intro symphonique originellement sans batterie, sur laquelle j’avais fait quelques arrangements car je la trouvais trop mollassonne.
TvRockLive.com : Aujourd’hui tu joues dans Riot V. Comment t’y sens-tu en tant que batteur ?
Frank Gielchrist : Ce groupe requiert d’énormes efforts en matière de dextérité, d’endurance et de vitesse, spécialement à la double grosse caisse. De très grands batteurs m’ont précédé. Ils ont mis la barre très haut et je tiens à rester digne de leur héritage. D’ailleurs, Mike (Flyntz, guitare) et Don (Van Stavern, basse), les maîtres à penser de la formation, exigent de moi l’excellence, et ce dans tous les domaines. Il faut savoir que le groupe évolue dans de nombreux registres, du Rock ‘n’ Roll pur et simple au « Power/Speed Metal » en passant par le Rock et le Prog’. La tâche n’est pas de tout repos mais franchement, je m’éclate comme un fou !
TvRockLive.com : Est-ce difficile de jouer vite en gardant la puissance ?
Frank Gielchrist : Cela requiert énormément de pratique mais c’est tout à fait possible. C’est Dom Famularo qui pour la première fois m’a montré que le vitesse ne devait en aucun cas engendrer une perte de régime. C’est marrant car j’ai récemment parlé du sujet avec Joe Comeau, le chanteur de mon autre groupe Liege Lord, qui est aussi batteur. Nous sommes tombés d’accord sur le fait que la puissance ne devait jamais être sacrifiée au profit de la vitesse. Aujourd’hui je vois tant de batteurs, notamment dans le Metal Extrême, qui ne font qu’effleurer les peaux de leurs fûts, comptant sur des capteurs électroniques pour amener de la puissance. Je m’imagine mal suivre ce chemin. La musique que je joue est foncièrement acoustique et vraie. Si un jour je me pointais en jouant de manière légère, comme si je tricotais dans mon coin, les gars se ficheraient de moi.
TvRockLive.com : A chaque fois que tu te produits en Live, que ce soit avec Riot V, Holy Mother ou Liege Lord, tu ressors de scène complètement trempé, épuisé. Tu ne te ménages jamais…
Frank Gielchrist : Oui car le propre du Metal est de donner tout ce qu’on a dans le ventre. Tu sais, j’ai exactement la même approche lorsque je suis en répétitions. Quoi que j’entreprenne, j’y mets tout mon cœur et ma passion. Peu importe si je me produits dans une cave devant deux personnes ou si je joue pour la sept-centième fois le même morceau. C’est peut-être pour ça que les groupes aiment travailler avec moi. Je n’ai jamais de jours sans. Dès qu’il s’agit de jouer, je suis partant et ne me plains jamais, même si je me sens fatigué. C’est ça ou rien ! Le jour où je ne pourrai plus atteindre l’intensité requise, je prendrai ma retraite.
TvRockLive.com : Avec l’âge, as-tu parfois des douleurs lorsque tu joues ?
Frank Gielchrist : Non car les douleurs viennent lorsqu’on manque de technique. J’ai acquis toutes les techniques nécessaires pour me préserver. Derrière une batterie, je me sens comme un poisson dans l’eau, pouvant assurer sans problème un Show de quatre heures. Il m’arrive de choper des ampoules, mais je règle rapidement le problème avec des bandages adhésifs ou au pire avec des gants, même si j’estime que ces derniers réduisent un peu trop la mobilité de mes doigts.
TvRockLive.com : Préfères-tu la double pédale ou la double grosse caisse ?
Frank Gielchrist : Définitivement la double grosse caisse. Deux pédales indépendantes permettent plus de liberté. Le seul inconvénient est qu’en concert, et particulièrement en festival, on n’a guère le temps de régler de manière égale les deux grosses caisses. C’est toujours un casse-tête d’obtenir le même son à droite et à gauche car cela requiert des placement de micros et des accordages strictement identiques. C’est pour cela que lorsque je n’ai pas le choix, j’opte pour la double pédale.
TvRockLive.com : À ce stade de ta vie, considères-tu avoir fait le tour de la batterie en matière d’apprentissage ?
Frank Gielchrist : Oh non, la connaissance de la batterie est un voyage sans fin et j’en apprends tous les jours. Lorsqu’on tourne intensément comme moi, on est obligé de maintenir son esprit en éveil car chaque concert est un challenge. Ma volonté d’apprendre est intarissable. Tu sais si j’étais millionnaire, j’arrêterais de jouer en Live et je passerais mes journées à travailler les rudiments. Je serais alors le plus heureux des hommes.
TvRockLive.com : Quel est l’aspect de ton jeu que tu aimerais améliorer ?
Frank Gielchrist : J’adore les rythmes afro-cubains. Si j’avais plus de temps, je les étudierais en profondeur. Mais il y a mes désirs et la réalité. Ma priorité est d’assurer les concerts des groupes qui me font confiance. Cela passe par une sérieuse préparation en amont et une sérieuse routine d’échauffement avant l’entrée en scène.
TvRockLive.com : Sur quel matériel joues-tu ?
Frank Gielchrist : Pour moi, il n’y a rien de mieux que le modèle « Tama Starclassic » en bouleau. Pour la petite histoire, un jour j’ai assisté à un Drumclinics de John Backwell, connu pour avoir accompagné Prince durant vingt ans. Dès les premières minutes, mon attention s’est portée sur son son. Je n’avais jamais entendu une batterie sonner aussi bien, avec une belle clarté et une belle résonance ! C’est bien simple, ce Kit me faisait l’effet d’un piano ! À la fin de sa prestation, alors que John signait des autographes, je me suis approché d’un représentant de Tama en lui disant :
« Man, combien coûte ce Kit ? Je veux l’acheter tout de suite et l’embarquer dans mon Van, quel que soit son prix ! »
Le gars m’a pris pour un dingue. Mais je lui ai expliqué que ce modèle produisait le meilleur son que j’avais pu entendre de toute ma vie. Il m’a dit qu’en magasin, il coûtait près de 8000 dollars. Mais il a été si touché par ma démarche qu’il me l’a cédé pour 3000 Dollars en Cash, à savoir tout ce que j’avais sur moi. Aujourd’hui encore, je continue de jouer sur ce Kit, que vous pouvez admirer sur les derniers vidéos clips de Riot V, « Feel The Fire » et « Love Beyond The Grave ». Vous ne pourrez le voir que dans ce cadre car je ne l’emporte jamais en tournée. Je le laisse soigneusement à la maison, comme un bébé (sourire).
TvRockLive.com : Si un jeune batteur décidait de s’attaquer au morceau de bravoure qu’est « Thundersteel », que lui conseillerais-tu ?
Frank Gielchrist : Je lui conseillerais déjà d’analyser la partition de batterie. Je ne pense pas qu’il existe sur le Web une retranscription, mais c’est à mon sens la première étape à passer pour bien comprendre comment fonctionne la chanson. Ensuite, je ferais appel à la technologie en usant de logiciels comme Guitar Pro permettant de passer les morceaux à vitesse lente. Il ne faut surtout pas essayer de la jouer d’emblée à la bonne vitesse. Diminuez le tempo d’au moins 25% et augmentez-le progressivement. J’ai aussi tendance à ne pas tout jouer d’une traite. Souvent, je joue en boucle le couplet et je ne passe au refrain que lorsque je maîtrise ce dernier. Voilà comment j’appréhende les nouveaux morceaux.
TvRockLive.com : Certains batteurs de Metal se sont distingués par la création d’intros de batterie devenues légendaires. Je pense notamment à « Stargazer » (Cozy Powell), « Run To The Hills » (Clive Burr) et « Painkiller » (Scott Travis). Aimerais-tu toi aussi immortaliser une intro, le genre de plan qui dès la première écoute ferait dire : « Tiens, là c’est Frank Gielchrist ! »
Frank Gielchrist : Oh oui, j’aimerais tant ! Je dirais même que c’est la seule chose qui manque à mon tableau de chasse. Le fait est qu’aucun des groupes dans lesquels j’ai joués ne m’a donné cette chance de me distinguer. Un jour, alors que je jouais encore avec Virgin Steele, j’ai dit à David :
« Et si on mettait une intro de batterie sur notre prochain disque ? ».
Il m’a répondu d’un ton ferme (Ndlr : Il prend une voix niaise) :
« Lorsque tu composeras tes propres morceaux, tu pourras y mettre toutes les intros de batterie que tu veux ! »
Riot V m’a permis de m’exprimer un peu dans ce sens sur le morceau « High Noon » figurant sur notre dernier album en date, Mean Streets. Mais il n’y a rien de vraiment iconique ici, d’autant plus que parmi les vingt prises que j’avais faites en studio, l’ingé son a choisi celle que je préfère le moins ! Peut-être qu’un jour on me donnera une vraie opportunité ?
TvRockLive.com : Pourquoi as-tu quitté Virgin Steele après quinze ans de bons et loyaux services ?
Frank Gielchrist : Déjà je tiens à dire que David est toujours mon ami et que nous ne nous sommes jamais brouillés. Nous continuons à nous parler et boire des verres ensemble dès que l’occasion se présente. Il reste à la fois mon ami et mon mentor. Pour en revenir à ta question, mon départ a coïncidé avec la démocratisation des logiciels de programmation de batterie. Un jour, avant l’enregistrement de Nocturnes Of Hellfire & Damnation (2015), David est venu me voir :
« Désolé mec, tu es un batteur fantastique mais je veux adopter une autre approche pour les albums à venir, à savoir programmer la batterie ». Tu comprendras aisément que je n’avais plus ma place dans ce contexte.
TvRockLive.com : En tant que « Metalhead », comment as-tu vécu l’avènement du Grunge au début des années 90, qui a enterré pendant un temps le Heavy des années 80 ?
Frank Gielchrist : Je dois avouer que je me suis affolé car le Metal coule dans mes veines. Mais à bien y réfléchir, ce fut un juste retour des choses car à la fin des 80’s, le Heavy Metal s’était transformé en une sorte de parodie avec en tête des groupes comme Poison et Ratt dont les protagonistes ressemblaient à des nanas. À un moment, le public en a eu assez d’entendre à tout va ces « Baby Baby You’re So pretty And Hot !! » (Ndlr : Il se met à chanter). Le Grunge était là pour rappeler que la vie n’est pas une fête permanente. Je n’envisageais pas pour autant de me mettre au Grunge. J’étais du genre « Oh mon Dieu, qu’est ce que je vais faire maintenant ? » La musique Grunge en elle-même ne me dérangeait pas. Les musiciens étaient plutôt bons. Les mélodies étaient Cool. Mais je ne pouvais adhérer à ces paroles toutes plus dépressives les unes que les autres, incitant parfois au suicide. On était loin de l’entrain et de l’énergie positive véhiculée par le Metal…
TvRockLive.com : Effectivement, le tout dernier morceau de Nirvana publié avant la mort de Kurt Kobain s’intitulait « I Hate Myself And I Want To Die »…
Frank Gielchrist : Exactement, et ça résume parfaitement l’état d’esprit du Grunge. Le pire, c’est que bon nombre de musiciens comme Kobain, Layne Staley (Alice In Chains) et Chris Cornell (Soundgarden) ont fini réellement par se foutre en l’air ! Entre la tristesse du Grunge et l’exubérance du Heavy Glam, je ne savais plus où je créchais. À un moment, par dépit, je me suis dit que si je voulais continuer à vivre de la musique, il fallait que je me mette au Grunge. Fort heureusement, Dave m’a sauvé en m’engageant dans Virgin Steele, dès 1994. J’étais aux anges car j’ai toujours adhéré à la mythologie et aux messages positifs du groupe. Au moins avec Dave, j’étais certain d’évoluer avec un musicien incorruptible doté d’une solide vision artistique, qui n’a rien à fiche des chiffres de vente et de l’avis des fans. On ne risquait pas de le voir suivre les modes, et ça pour moi, c’était rassurant.
TvRockLive.com : Dave s’est fait plutôt rare ces dernières années. Des rumeurs circulent à propos d’une maladie…
Frank Gielchrist : Ne t’inquiète pas il va très bien. Il lui est arrivé le genre de chose typique qui arrive lorsqu’on prend de l’âge, mais il n’y a rien de sérieux.