Mon premier Hellfest, du 21 au 23 juin 2019.

Aujourd’hui s’avère un grand jour pour l’enfant de 11 ans que je suis. Mon père m’emmène à mon premier festival de musique. Et pas n’importe lequel, j’assiste à mon premier Hellfest. Que dire… Comment pouvais-je m’attendre à autre chose de la part de mon Daddy ? Lui qui m’a fait découvrir les concerts dès l’âge de 6 ans en m’emmenant voir les Rolling Stones au Stade de France pour mon premier concert de Rock. C’était le début d’une longue aventure musicale que je partage toujours avec mon père.

J’adore notre relation et l’ouverture à la culture qu’il m’apporte. Il m’a emmené voir plusieurs concerts plus fous les uns que les autres, deux fois les Stones, deux fois Elton John, Johnny Hallyday, Les Vieilles Canailles, Les Insus (ex Téléphone), Bob Dylan, Roger Waters, David Gilmour, Michel Polnareff, Paul Mc Cartney, Ringo Star, U2, Guns and Roses, Thirty Seconds To Mars, Phil Collins, et bien d’autres encore. Mais, il y a six ans, je dois bien avouer que j’ai aussi étonné mon père lorsque je lui ai dit que je voulais absolument voir Kiss sur scène. Il n’en est pas revenu. Du coup, le 16 juin 2015, c’est moi qui l’ai pris sagement par la main pour les voir au Zénith de Paris… Il s’en souvient encore. Ce fut amusant de renverser les rôles.

Pourtant, en 2015, ce n’était pas la première fois que nous parlions d’un concert de Kiss. Lorsque le groupe s’est produit en 2013, pour son premier Hellfest, j’étais bien trop jeune pour que mon Daddy m’y emmène. Ce n’était, sans le savoir, que partie remise. En 2019, alors que Kiss expliquait que cette tournée serait la dernière avant leur retraite, mon père a estimé que c’était le bon moment pour m’y emmener sans que cela devienne une négociation trop houleuse avec ma mère. De plus, l’opportunité de revoir un jour Kiss ne se reproduirait certainement plus. C’était donc cette année ou jamais… Il m’a donc fait l’énorme surprise de m’y emmener pour voir leur second et dernier passage dans ce superbe festival. Une première pour moi.

Je ne m’attendais absolument pas à ce que j’ai vu. Mon Daddy me racontait souvent ses expériences, sans que j’en mesure la réalité, des différents festivals auxquels il a assisté en France, Europe, et Amérique du Nord. Maintenant, après avoir fait mon premier Hellfest, je comprends mieux sa ferveur lorsqu’il m’en parlait. C’est une communion entre des fidèles de la même musique qui se déroule dans une ambiance magique et bon enfant. Même lorsqu’il s’agit d’une musique comme le Metal qui pourrait paraître difficile d’accès pour un enfant de 11 ans, mais qui en réalité se trouve parfaitement à sa portée. J’ai constaté qu’au Hellfest, il y avait beaucoup d’enfants de mon âge, voire plus jeunes… Si, si Maman…

 

Mais cette première virée à Clisson, n’était finalement pas sans conséquence pour moi. Lorsque Daddy m’a dit que j’étais invité au Hellfest pour aller voir Kiss, il m’a aussi expliqué que ce serait soumis à condition : “ Que je me prête au jeu et que je devais lui faire confiance. ” Facile, avec mon Daddy on joue souvent à des jeux idiots et il est sans conteste l’une des personnes en qui j’ai le plus confiance pour nous adonner à des coups de folie. Son Deal m’a amusé et j’ai accepté. Mais quelle était son idée et pourquoi me demanderez-vous ? Simple. Alors que je lui demandais souvent en quoi consistait son travail de journaliste, il m’a répondu que pour mieux comprendre, c’est moi qui jouerai pendant trois jours le rôle qu’il a l’habitude d’incarner dans un tel festival. Vous voyez, rien de plus simple. Me voilà dans la peau de mon père afin de voir ce que cela fait d’être journaliste musical en plein Rush. Pourtant, même si j’ai une confiance aveugle en mon Daddy, j’avais une seule véritable inquiétude : la rédaction des articles et mon niveau d’anglais pour Interviewer les artistes… Comme je l’ai dit, mon père m’a toujours protégé en tout et face à tous, je pouvais donc lui faire confiance. Je l’ai suivi en trépignant. Il m’a alors rassuré en m’expliquant qu’il se chargerait pour moi de ce travail de “ nègre ”, mais qu’il m’incombait de trouver une question pour chaque artiste que je rencontrerai… Le plus important dans cette démarche, me disait-il, s’avérait que je parvienne à comprendre ce que représente ce métier de journaliste et que je vois par moi-même que ce n’était pas toujours aussi simple.

Il est vrai que plus jeune, j’ai toujours cru que son métier demeurait juste un amusement et qu’il passait son temps à jouir béatement de la vie et des avantages qu’il lui prodiguait. J’avoue avoir été très excité à cette idée de découvrir le véritable envers du décor de sa vie. J’ai effectivement compris après la première journée sur le site du Hellfest que ce métier n’est franchement pas de tout repos. Loin de là même. Revenons aux détails de mon Week-End prolongé.

Day 1. Nous voilà partis pour Clisson et ma première journée de jeu de rôle commence sur les chapeaux de roues. Départ de l’école, et après un déjeuner avalé vite fait, nous prenons la route avec dans la voiture de la musique Rock à fond pour nous mettre dans l’ambiance… Le vendredi en fin d’après-midi, nous arrivons à Clisson. Ce fut assez calme, je devais aller dans l’espace Media pour me présenter et remercier Roger Weissier, sans qui cette expérience excitante n’aurait pu être possible. Une fois cette première étape effectuée et munis de notre bracelet VIP, nous rejoignons les deux Main Stage afin de découvrir l’immensité de ce lieu et le grand nombre de festivaliers. Il y en a partout. Je n’en crois pas mes yeux. La prestation de Mass Hysteria m’achève après celle de Dream Theater dont mon Daddy m’a beaucoup parlé lorsqu’il les avait Interviewés à New York City.

L’énergie que les musiciens français de Mass déploient devant plus de 65 000 spectateurs m’hallucine. Je n’avais jamais vu une telle osmose dans un concert auparavant. Peut-être est-ce par chauvinisme… En tous les cas, j’ai adoré entrer ainsi de plein fouet dans ce Hellfest.

Si le Hellfest se révèle synonyme des deux grandes scènes, parfois il se passe des choses extraordinaires, me dit mon père, dans les salles plus petites… Du coup, nous sommes allés voir deux autres scènes, celle du Temple et l’espace Altar où je me suis éclaté avec la superbe découverte de : Uncle Acid And The Deadbeats. Ils sont stupéfiants.

Nous sommes rentrés vers 23 heures pour un repos bien mérité. J’étais épuisé, mais tellement satisfait de ce partage musical avec mon Daddy et une découverte finalement assez tranquille du métier de journaliste musical.

Day 2. Lors de la seconde journée, mes festivités n’ont pas été les mêmes. Daddy m’a fait entrer dans le dur. Ah, le sal..d*** !!! Rien à voir avec la veille. Avec la conférence de presse de : Whitin Temptation à laquelle j’ai assisté, j’ai compris que se rendre au Hellfest lorsque l’on est fan de Metal et journaliste musical se révèle un cruel dilemme. Assister aux Interviews et conférences de presse suppose d’être présent dans la tente Media et, ne possédant pas le don d’ubiquité, il demeure impossible de voir tous les concerts que l’on désire s’ils se déroulent à la même heure. Une fois installé au premier rang dans la salle de presse, j’ai observé l’ambiance et franchement, j’ai trouvé cela aussi étrange qu’amusant. Chacun à tour de rôle se présente, ainsi que son média, et le pays d’où il vient, puis pose très sagement sa question. Impressionnant, j’ai vu des Argentins, des Australiens, des Italiens, des Mexicains, des Anglais… Je me sentais tout petit et ne savais plus où me mettre. Excitant et irréaliste pour un enfant de 11 ans. Heureusement, ma confiance en mon père et nos regards complices réciproques m’ont rassuré. Enfin, jusqu’à ce qu’il se lève pour poser à ma place la question que j’avais préparée. Vu la question, j’avais de quoi trembler. Daddy m’a souvent répété que Téléphone, le groupe sur lequel il avait écrit la biographie officielle, s’était séparé, car les musiciens avaient fini par admettre que Mick Jagger avait vu juste en leur disant un soir de 1980 “ Sur la longueur, un groupe de Rock avec une fille, cela ne durera jamais ”. Bingo.

Du coup, une fois face à Sharon Den Adel, la Leader néerlandaise de Whitin Temptation, j’ai voulu savoir si Jagger avait toujours raison et si son statut de femme avait une solution concrète pour se faire admettre de ses collègues de travail, contrairement à Téléphone… Mon Daddy s’est donc fait devant l’assemblée mon interlocuteur privilégié. Sa réponse fut simple, même si la chanteuse n’explique pas comment elle y est parvenue de manière plus précise : “ Il suffit de donner le meilleur de soi-même et d’être authentique dans le groupe comme devant les fans. Ensuite, le temps fait le reste. Il faut toujours du temps pour se faire accepter et respecter, mais une fois qu’on l’a acquis par le travail et le sérieux, tout est gagné ”. Elle a oublié, me glisse mon Daddy, de me dire que le guitariste est son mari. Cela doit aider pour se faire accepter, non ?

L’enchaînement de la journée professionnelle s’acheva par une seconde conférence de presse, celle de : ZZ Top. Je ne risque pas de l’oublier celle-ci, en même temps, elle me permet de bien comprendre la difficulté de ce métier. Billy Gibbons arrive avec 25 minutes de retard, il refuse de faire une photo avec moi et en prime, il me fait rater la prestation de : Eagle Of Death Metal que je voulais absolument voir… Avec Billy Gibbons, j’avoue avoir été en panne de questions. Enfin, j’en avais bien une, mais je la trouvais plutôt indélicate : lui parler de sa barbe et de tout le travail que cela devait constituer pour la garder toujours propre et bien taillée. Quand je vois celle de mon Daddy qui ne ressemble à rien, j’ai imaginé mon père avec une barbe élégante à la ZZ Top. Il est vrai que depuis que mon père s’est offert une Harley Davidson, je vais devoir m’habituer à son Look de Biker comme celui qu’arborent les fans de ZZ Top. En même temps, mon Daddy étant le roi du changement de Look, depuis que je suis dans sa vie, je n’arrive plus à les compter… Du coup, en voyant Billy Gibbons, avec son Look de Biker, et mon père avec sa Harley 1700 cm3, j’ai imaginé mon Daddy dans 20 ans… Je ne me voyais donc pas poser cette question à Billy Gibbons. Pour charrier mon paternel, lorsque sur le site j’ai vu une moto customisée, je l’ai appelé pour lui montrer que moi aussi je pouvais être un Baby Biker prêt à le suivre sur la route 66… Nous avons beaucoup ri.

Bref, la journée à Clisson ne se déroulait pas assez vite à mon sens et je trépignais pour revoir mes idoles au plus vite. Malgré tout, j’ai apprécié le Show de certains artistes, Cypercore, Whitesnake, Eisbrecher, Ritchie Kozen et Deadland Ritual (que mon père a adoré), et j’ai bien moins aimé Def Leppard que je pensais apprécier davantage après les avoir découverts dans la B.O du film de Tom Cruise, Rock Forever… Mais bon sang que le temps semble long en attendant Kiss et le travail de journaliste Rock peu amusant.

Day 3. On prend les mêmes réflexes et habitudes et on recommence. Lors de la conférence de presse de Testament, rebelote. Encore du temps à l’espace Media au lieu de profiter des groupes que je voulais découvrir comme : Clutch, Blackberry Smoke et Death Angel. Mon père fut déçu d’avoir partiellement loupé Tesla, un combo qu’il adore depuis très longtemps… Enfin, dans la salle de conférence, me voilà encore installé à la même place que la veille, aux premières loges. Je commence à y prendre un certain goût. Vient alors mon tour de poser la question. Celle-ci m’a souvent titillée et j’avoue que j’aurai pu la poser à n’importe quel artiste tant elle demeure une vraie interrogation pour moi “ Lorsqu’ils partent en tournée, alors qu’ils jouent devant des millions de personnes à travers le monde et qu’ils ont de l’amour de leurs fans, quelles sont les choses qui leur manquent le plus pendant ce temps d’absence loin de leur maison et des leurs ? ” Là encore, mon Daddy s’est fendu d’être mon porte-parole pour la question et surtout la réponse. Et Dieu sait que la réponse, inattendue au demeurant, fut si drôle qu’elle déclencha l’hilarité dans la salle de presse. J’avoue avoir été fier de provoquer à travers mon intervention un tel moment amusant dans un espace qui me semble toujours de plus en plus austère. Jugez-en par vous mêmes.


Le guitariste et fondateur du groupe : Eric Peterson, se lance le premier pour répondre, « C’est de me réveiller et de m’apercevoir qu’il n’y a de toilettes nulle part autour de moi. Vous devez demander au chauffeur de bus de s’arrêter quelque part. Et il vous répond « Oui, dans une heure » et je dois lui répondre « Ok parfait. » Je sais, c’est un peu bizarre comme réponse, mais cela a du sens. Et Chuck Billy d’enchaîner avec une réponse dans la même veine. « Quand vous quittez la maison et que vous entrez dans la voiture qui vous emmène loin de chez vous, c’est « On est en tournée désormais ! » On est prêt à partir sur la route jusqu’à ce que cette même voiture vous ramène à la maison… En réalité, ce sont mes chiens qui me manquent. Parfois, je les emmène et ils sont toujours ravis de m’accompagner. Peu importe, où ils sont. C’est probablement encore le cas pour ma femme qui malheureusement voyage avec moi, et ce sont donc nos chiens qui nous manquent à tous les deux ! » Les éclats de rires fusent dans la salle. « Mais, j’ai une caméra avec mon téléphone portable et je les vois jouer dans le jardin de la propriété. »

Les allers-retours incessants où l’on sent la pression que subit le staff du Hellfest à chaque instant m’ont beaucoup appris sur le métier de mon Daddy et de ses amis. Entre l’espace festif des concerts où règne une ambiance géniale, où l’on navigue entre musique et défilés de tenues extravagantes, et on subit de longs moments d’attente afin de savoir si Lynyrd Skynyrd va bien venir ou non en conférence de presse, j’aurai préféré assister à un autre concert. C’est amusant de voir comment on peut se faire une fausse idée lorsque l’on ne connait pas l’envers du décor. Et finalement, en deux jours et demi de Job de journaliste à la place de mon Daddy, j’ai réalisé ce que d’autres ont vécu dans l’émission de TF1 sur laquelle mon père avait travaillé, “ Vis ma vie ”. J’ai enfin saisi la vraie difficulté de l’exercice, encore que je ne l’ai réalisé que très partiellement. Sur le retour, je pense à tous ceux qui n’ont presque pas pu assister aux excellents concerts de leurs groupes favoris. Quelle frustration… !

Pourtant, malgré ce sentiment de frustration que je pourrai évoquer, j’ai adoré vivre cette expérience. Mes trois jours à Clisson m’ont permis d’étonner mon père. Et ce n’est pas toujours si facile. Alors qu’il venait pour écouter la musique de son adolescence, comme il me l’a dit, Les : Lynyrd Skynyrd, Anthrax, Dream Theater, Richie Kotzen, Stone Temple Pilots, Tesla, Deadland Rituals, et surtout FM, ZZ TopDef Leppard et Whitesnake, j’ai adoré surprendre mon père en lui expliquant que j’avais préféré Testament, Anthrax, Slash, et bien entendu Kiss qui reste mon groupe favori depuis si longtemps. Je ne suis pas prêt d’oublier ce voyage à Clisson.

Après avoir emmené mon Daddy à la Kermesse de mon école, voilà que lui me fait découvrir quelques jours plus tard la sienne, celle des Rockers tatoués. J’adore cet échange avec mon père qui nous fait vivre des moments toujours très forts. C’est aussi drôle de voir la différence entre nos deux fêtes de fin d’année. La multitude de metalleux au Hellfest si différents et en même temps si semblables que j’ai pu croiser en trois jours m’a impressionnée. Ce fut curieux, mais enrichissant de le voir par moi-même. Alors que ma mère pensait que je trouverai une horde de personnes bizarres et pas adaptées pour mon âge, j’ai eu l’excellente surprise de voir des gens finalement très accessibles, passionnés, humains, heureux, et surtout amusants et d’une correction exemplaire.

Au Hellfest, on y respire la joie de vivre, de s’amuser, de partager sa passion et de vivre des moments inoubliables pour tout à chacun. Les voir se divertir tous ensemble finalement comme nous pendant nos récréations dans la cour d’école m’a fait sourire. La vie d’un festival s’apparente à la vie d’une cour de récréation pour adulte. Si à l’école, il faut montrer patte blanche pour être accepté dans un clan, au Hellfest, il suffit juste d’être présent sur le site pour être admis sans condition dans cette grande famille qu’est le Rock. Les querelles à l’école entre bandes de copains se révèlent fréquentes pour un tas de conneries, pas au Hellfest. Dans ce festival, peu importe dans quelle chapelle musicale on se situe, toutes cohabitent avec allégresse et boivent ensemble à la santé de la vie et de la musique. Toutes les communautés se mélangent dans les différents bars qui servent à boire comme devant les six scènes qui proposent pourtant des musiques toutes très différentes les unes des autres. L’alchimie et l’humanité règnent partout sur ce site à Clisson pendant trois jours au milieu de nulle part.

Si mon père m’a avoué avoir vu où se situait l’enfer sur terre, à Auschwitz, ce qui n’a rien de festif, pour les vrais amateurs de Rock, le Hellfest est considéré comme le paradis des Rockers sur notre planète. Je reviendrai !
Live Report : Nicolas Sancho (co-écrit avec Carlos Sancho), Images : Carlos Sancho.

Retrouvez très bientôt les Live Reports de Nicolas ici, de Kiss et de Slash !