Francis Lalanne40 ans de succès
Mercury/Universal
Note : 5/5
Genre : Variété & Poésie Française
Francis Lalanne est né sous le signe de la différence et ne fait rien comme tout le monde. Sa vie, à elle seule, s’avère être un conte de fée peuplé de rencontres toutes très extravagantes que l’artiste se révèle être un personnage hors du temps. Ce franco-uruguayen a toujours été un artiste complet à multi facettes et un complexe romantique humain pour le quidam. Il ne laisse personne indifférent. Il a toujours revendiqué sa personnalité entière et sa fidélité. Une fidélité qu’il applique d’abord à lui-même. Ses admirateurs d’ailleurs peuvent en témoigner après une carrière bien remplie que d’autres peuvent lui envier. Quant à sa personnalité entière, le soldat Lalanne n’a jamais eu peur d’affronter les institutions afin de faire entendre sa voix comme artiste ou citoyen. Francis revendique les deux et ne désire se départir d’aucune des deux casquettes qu’on cherche à lui faire porter. Lalanne représente ce tout, et c’est justement ce tout que ses fans admirent. Francis s’agite tel un pantin pour certains, mais il n’en a cure : il vit simplement chaque chose avec ses émotions et les transmet toujours avec son cœur pour les autres. Il demeure incapable d’agir autrement. Quand Francis se lance dans une direction artistique autant qu’humaine, il se donne sans cesse les moyens et ne rompt jamais pour la cause pour laquelle il s’est engagé avec ses tripes.

En 40 ans de carrière bien remplie, Francis s’est toujours investi sans compter, dans une multitude de projets artistiques. Tous très différents les uns des autres, mais qui reflètent toute la diversité de ses désirs et de ses compétences. Il reste un caméléon boulimique. Tantôt producteur en 1985 avec Le Passage, où il convainc Alain Delon de travailler sur le premier long métrage de son frère René Manzor, et en 1990 avec 3615 Code Père Noël, deuxième film de son frère ; tantôt acteur avec ses rôles inattendus, en 1995 avec Joseph dans Marie de Nazareth de Jean Delannoy, ou Francis Lalanix en 2008 dans Astérix : Mission Cléopâtre d’Alain Chabat, ou l’excellent Disco également en 2008 dans son propre rôle ; tantôt comédien en 1987 dans le rôle de Don Juan aux Bouffes du Nord, celui aux côtés de Jean Piat en 96/97 dans l’excellente pièce L’affrontement, ou avec Corolian de Shakespeare en 1998, Don Quichotte en 2000, et pour finir ses prestations théâtrales aux festivals Off d’Avignon avec en 2016 Un tramway nommé désir, puis D’un commun accord, et un an plus tard avec J’ai hâte d’aimer.

 

 

Francis Lalanne lors du Festival d’Avignon le 3 juillet 2015 Image : Alex Mitram

La boulimie de travail de Francis ne s’arrête pas à des prestations évidentes, il peut aussi être là, où personne ne l’attend… Comme lorsqu’il rachète la Société Starlux, qu’il avait découvert durant son enfance avant de sortir Footix, et qu’il décide de commercialiser la mascotte de la Coupe du Monde 98 de football ; ou lorsqu’il embrasse sa carrière dans l’édition en ajoutant une corde à son arc, talentueux écrivain et poète, avec une petite vingtaine d’ouvrage de poésie ou de romans sous son nom, ou Directeur de Collection pour les Editions Belles Lettres, puis aux éditions Atlas. Pourtant, malgré toutes ses casquettes aussi diverses que variées qu’il maîtrise plutôt bien, si j’occulte volontairement son incursion dans l’univers politique en rejoignant Alliance écologiste indépendante en 2009, avant son incursion avec les Verts en 2007, puis Alliance jaune en 2019, c’est davantage dans son rôle d’auteur-compositeur et interprète que Francis Lalanne a acquis la notoriété dans tous les pays de la francophonie. Il conquiert, sans l’appui des médias, mais juste à la force de son travail et de son talent le respect de ses fans, et certains de ses détracteurs. Il faut bien avouer qu’avec plus de 1000 représentations au théâtre et plus de 3500 concerts à son actif, Francis demeure une valeur sur scène, et avec en 20 disques, dont 4 Live, près de 25 millions d’exemplaires vendus à travers le monde, incontestablement un artiste majeur de la scène francophone. Pourtant, si certains s’amusent toujours à le brocarder pour ses prises de positions politiques et/ou sociales, bon nombre des journalistes et professionnels des médias avouent en OFF qu’ils lui reconnaissent un véritable talent artistique et une voix extraordinaire. Certains, comme Yann Moix ou Gérald Dahan, et ce ne sont pas les seuls, iront même jusqu’à avouer publiquement qu’ils pouvaient être comptés sans hésiter et sans honte parmi les fans les plus fervents du saltimbanque maudit. Bref, après plusieurs décennies discographiques et de présence sur les routes de Navarre, il était temps que l’artiste tire un premier bilan.

 

 

Depuis, son premier contrat discographique, chez Philipps, Francis a tour à tour enregistré des albums qui ont marqués plusieurs générations et enchaîné des concerts. Il communie toujours avec ses fans à travers ses chansons et ses poèmes. Les rencontres entre les fans et l’artiste sont comme des messes portées par un égrégore toujours au rendez-vous. C’est ainsi que la magie opère, c’est un fait unanime. Dès lors, il devient évident que Mercury/Universal, l’une des multiples ex-maisons de disques qui lui ont fait confiance, désire célébrer les 40 ans d’une carrière. Cependant, avec autant de matière en 22 albums, les salariés de Universal se sont tirés les cheveux afin de rassembler un condensé de l’œuvre majeure du saltimbanque le plus controversé du PAF. J’avoue que je n’aurais pas aimé être à leur place. Après plusieurs réunions et négociations, le staff de la « Major Company » a donc fini par statuer qu’elle se devait de commercialiser un double album. Un minimum pour cet artiste qui avait déjà été l’un d’un premiers au monde, et le premier en France, à commercialiser un quadruple album enregistré en public, en 1982, Live à Pantin. Ce nouveau Best Of permettra donc de mieux montrer cet artiste particulier à ceux qui ne connaissent que sa partie brocardée. Et enfin, de comprendre ce que Francis représente pour toute une génération. Remettre les choses dans leur véritable perspective en ne se concentrant que sur l’essentiel. Avec cette idée judicieuse et lumineuse, Universal permet ainsi de rassembler les deux principales facettes de Francis Lalanne, le chanteur et le poète végétarien. Enfin, voilà que peut-être la tendance s’inversera…  Revisitons alors ensemble ces 40 ans de vie à travers les deux CD que j’oserai considérer comme indispensables pour comprendre vraiment qui est cet énergumène tant apprécié depuis de si longues d’années. Ce double Album « 40 ans de succès, de carrière, de bonheur » sorti en décembre 2019 chez Mercury/Universal, est disponible dans toutes les enseignes habituelles.

 

Du coup, le premier opus de ce nouveau Best Of regroupe 16 titres incontournables de l’artiste principalement des quatre premiers albums, ceux que les plus anciens fans préfèrent. A mes yeux, ce sont aussi ses plus intimes et qu’il m’arrive encore de réécouter avec toujours un grand plaisir. Seule  »Berceuse pour un enfant de banlieue » et  »Lettre à Stella », la mère de ses quatre premiers enfants, figurent sur les disques suivants. Sur ce premier volet, Universal propose une Setlist parfaite pour entrer dans l’univers d’un tel artiste. Pour les plus anciens fans, cette première galette restera comme une Ode à sa carrière. Ces 16 titres qu’ils fredonnent tous pour garder près du cœur cet artiste qui les accompagne depuis si longtemps et qu’ils clameront avec amour pendant ses concerts devenus trop rares.

C’est néanmoins sur le second disque que Francis Lalanne dévoile davantage son côté poète et ses performances scéniques à ceux qui ne le connaissent pas encore assez. Celui que seuls les vrais fans connaissent et qu’ils cherchent à retrouver à la moindre occasion. Les titres Live montrent que le saltimbanque apporte une vraie dimension liturgique avec ses prestations en public. Chaque spectacle s’avère unique. Il faut les vivre pour le croire…. Cet opus démontre à quel point Francis donne la pleine mesure à ses chansons lorsqu’il trouve l’alchimie avec ses amis dans chaque salle de spectacle. Francis Lalanne s’avère capable d’enchaîner plusieurs soirs au même endroit et de proposer une Setlist radicalement différente à chaque spectacle juste pour ne pas lasser les spectateurs qui le suivent sur des dizaines de dates et qu’ils en aient pour leur argent. Francis vit toujours en fonction des autres. Il aime les gens, ceux qui viennent le voir, autant que ses fans. Francis respecte le public, et pas que le sien.

 

C’est ce message qu’il a voulu faire passer avec ce second album. Montrer en chansons à quel point Francis demeure généreux avec ceux qui payent afin de venir le voir et de les remercier en s’offrant sans compter. Il n’a pas peur de se présenter tel un saltimbanque puriste, quitte à se faire brocarder et ridiculiser. Francis s’acharnera jusqu’à la mort pour que personne ne le voit comme un fonctionnaire de la chanson française qui vient empocher son cachet en prodiguant le strict minimum. Un modèle, il faut bien l’avouer, très répandu dans le Music Business… Pour Francis Lalanne, tous les concerts demeurent une raison essentielle et existentielle afin d’alimenter sincèrement cette fabuleuse histoire d’Amour avec ses Amis qui dure depuis 40 ans… Une relation si rare que tous ses fans ou les professionnels du Music Business lui reconnaissent sans hésiter. Cette fidélité s’avère sans écart. Sur ce second opus, on ne peut que le constater. Cinq chansons studio, dont l’une des plus belles selon moi,  »Chanson pour la Paix », viennent compléter les huit titres Live que Francis Lalanne offre à une foule d’admirateurs et complices toujours prêts à le suivre jusqu’au bout du monde. En 13 chansons, nous venons de faire le tour d’une autre facette qu’il est impossible d’ignorer, rejeter, se départir de cet artiste qui ne feindra jamais.

 

Ces instants de vérité avec son public, dans la vie comme sur la scène, font de cet artiste libertaire un être à part. Il est vrai que on y adhère ou on le rejette, c’est tellement plus simple. Dommage que ce soit bien souvent sans le connaître. Avec ce Best Of, il devient impossible désormais de lancer des critiques, sans savoir, sans connaître… Maintenant : écoutez, découvrez, redécouvrez, appréciez et jugez ! Vous comprendrez que c’est à travers ses spectacles que s’opère une transmutation totale avec des prestations boulimiques… En entrant dans la magie de son univers, Francis ne peut vous laisser insensible. Ce saltimbanque, sans aucun calcul, refuse de se protéger des médias, comme de prendre soin de sa santé. Il refuse de s’économiser lors des Live marathon qu’il enchaîne préférant voir ainsi ses fans repartir heureux et revigorés jusqu’à leur prochaine rencontre plutôt que… Si vous lui demandiez d’arrêter de faire de la scène, vous le condamneriez. Il en mourrait. Ce Show-Man increvable défie le temps et les conventions du monde du spectacle. Il n’hésitait pas à se produire devant une foule admiratrice pendant 12 heures à l’Olympia ou 11 heures à Bobino ; ou encore, lorsque le propriétaire de l’Hippodrome de Pantin a obligé de faire sortir le public de la grande tente servant de salle de spectacle, Francis donne rendez-vous à ses amis sur le parking pour poursuivre son concert jusqu’au petit matin, ou alors quelques années plus tard, ce Show-Man increvable chante à capella au Casino de Paris après qu’on lui ait coupé l’électricité à minuit afin de l’obliger à quitter les lieux…, C’était mal le connaître… ! Imaginez donc que dans les années 80 des concerts de six à huit heures d’affilées furent pour chacun d’entre-nous monnaie courante.

 

 

Afin que cette fabuleuse histoire perdure, Francis Lalanne sait que comme dans un vieux couple, il doit sans cesse nous surprendre et se renouveler pour que cet Amour réciproque ne fléchisse pas. Francis reste un artiste en perpétuel mouvement. Au final, avec ce Best Of, à travers les 29 titres proposés pour ce double disque anniversaire, en découvrant ou redécouvrant les deux univers distincts de Francis Lalanne, il démontre que ses 40 ans de carrière ne sont pas dus au hasard. Loin de là. Ce saltimbanque reste présent aussi bien dans le cœur de ses fans que celui des conducteurs d’émissions des producteurs de télé ou de radios.

 

Pour les médias, Francis Lalanne a toujours été un excellent client. Les producteurs savent qu’avec lui, il se passera toujours quelque chose, il fera vivre un plateau à travers sa passion des mots, son amour du combat, sa volonté de justice et ses rêves d’un monde meilleur. Alors, qu’on se le dise, avec sa vitalité, son enthousiasme et la multitude d’idées et projets qui fourmille dans sa tête, ce combattant est parti pour rendre heureux ses fans encore pendant longtemps. Et soyons francs, quelle excellente nouvelle pour nous. Oui, Francis peut paraître fou, mais c’est justement cette folie qui lui a permis de vivre ses rêves et de ne jamais se soucier des querelles de quartiers ou des courbes de Médiamétrie ! Francis n’a pas fait que rêver sa vie, il a fait de sa vie un rêve qu’il nous transmet à chacune de ses sorties. Humaniste exacerbé, Francis tente de l’inoculer partout où il le peut afin de rendre la planète plus vivable. Ses détracteurs pensent qu’il est naïf, stupide ou calculateur, il n’en est rien. Francis ne joue pas, il donne. Qu’on se le dise, il demeure le poète que nous refusons de laisser vivre en nous. L’artiste n’a pas peur de se remettre à l’ouvrage. Il laisse le grotesque aux autres, préférant brandir au quotidien sa bannière de l’Amour. Le vrai. Cet être entier demeure pour le bonheur de ceux qui le connaissent vraiment un touche à tout. Mais, pour ceux qui considère qu’il est un Has Been et qu’il appartient au siècle dernier, ne vous y trompez pas, malgré sa fragilité apparente, sa volonté reste de fer et personne ne pourra le stopper dans la concrétisation de ses rêves ni la progression, artistique et humaine, qu’il s’est fixé. Francis demeure définitivement un saltimbanque à part, et c’est bien pour cela qu’on l’aime et les fans ne sont pas prêts à se passer d’un tel artiste.

 

Show Case mars 2020

 

En 2015, Francis ne se laisse pas abattre. Même si les portes ne s’ouvrent pas toujours avec facilité à l’évocation de son nom, ses admirateurs démontrent qu’ils désirent continuer à laisser le micro ouvert pour cet interprète damné. Il parvient à financer son Cyber Tour (NDJ : Un tour du monde culturel à la rencontre d’artistes issus de minorités, démarré en 2014) grâce au financement participatif de la plateforme KissKissBankBank. Alors, si incontestablement nul n’est prophète en son pays, et Dieu sait que pour Francis cette maxime n’est pas faite pour être contournée, soyez en sur, avec ce Best Of et ses futurs projets, l’artiste rebelle, à l’image du rebelle Athom qu’il a gardé au fond de sa tête et de son cœur, le boulimique Francis ne lâchera pas ses rêves ainsi sans donner le droit à ses fans de le retrouver, ici ou ailleurs… Qu’on se le dise, il reviendra !
Texte et les deux dernières photos : Carlos Sancho.

Carlos Sancho, Francis Lalanne & Nicolas Sancho